La liberté de la presse attaquée au Niger

Deux journalistes nigériens sont privés de leurs libertés alors que le monde célèbre la Journée internationale de la liberté de la presse ce vendredi 3 mai.  Il s'agit d'Ousmane Toudou, ancien conseiller du président déchu, Mohamed Bazoum. Il est retenu à la gendarmerie nationale depuis le 13 avril 2024. Les détails exacts des charges retenues contre lui ne sont toujours pas connues. Il y a aussi Soumana Idrissa Maiga, directeur de publication du quotidien l’Enquêteur. Il est placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Niamey depuis le 29 avril pour "atteinte à la défense nationale".

Un homme tenant une radio qui cache son visage
Du fait d’une surveillance accrue plusieurs médias s'autocensurentnull Michele Cattani/AFP via Getty Images

Des arrestations dénoncées par le journaliste Garé Amadou, directeur de publication de l’hebdomadaire privé "le Canard déchaîné". "Ces attaques contre les médias, en tout cas contre les journalistes constituent un dangereux précédent", confie le journaliste au micro de la DW.

"On est donc face à un tournant assez terrible, assez dramatique pour la profession de journaliste qui assurément est plus que jamais en péril face à ces arrestations-là qui vont probablement se poursuivre dans les prochains mois ou en tout cas les prochaines semaines", ajoute le directeur de publication de l’hebdomadaire privé "le Canard déchaîné".

Suspension de la maison de la presse

Bien avant les arrestations des deux journalistes et les menaces, censures et intimidations sur d’autres professionnels de la presse, la blogueuse et journaliste Samira Sabou a été arrêtée en septembre 2023 et détenue en secret pendant sept jours. La maison de la presse a aussi été suspendue par les militaires qui ont renversé le président Mohamed Bazoum. La junte lui reproche d’avoir dénoncé le coup d'Etat militaire.

Dans un kiosque de journaux, un homme debout à côté tenant un journal
RSF alerte que les juntes qui ont pris le pouvoir au Niger, au Mali et au Burkina ne cessent de resserrer leur emprise sur les médias null Artur Widak/NurPhoto/picture alliance

"La maison de la presse a été suspendue tout simplement parce que nous, en tant que responsable de la maison de la presse, nous nous sommes démarqués pour exprimer notre mécontentement et notre attachement à l’ordre démocratique", explique Ibrahim Harouna, président du Conseil d’administration de la maison de la presse. 

Dépénalisation des délits de presse

En juin 2010, la presse nigérienne avait obtenu un acquis important : l’adoption sous la transition militaire du général Salou Djibo de la loi portant dépénalisation des délits commis par voie de presse. Des acquis remis en cause aujourd’hui par une autre transition militaire regrette Souley Oumarou, acteur de la société civile, usager de l’information.

"L’avènement des militaires au pouvoir au Niger a contribué à la régression de la liberté de la presse au Niger. Récemment encore des journalistes ont été arrêtés dans le cadre de leurs missions et cela est en porte à faux justement à l’ordonnance 2010-35 qui quand même avait consacré la dépénalisation des délits commis par voies de presse", rappelle-t-il. 

Dans son message, à la veille de cette journée, le ministre nigérien de la Communication n’a pas du tout évoqué le cas des journalistes arrêtés ni les conditions dans lesquelles les journalistes nigériens travaillent depuis le coup d’Etat. Sidi Mohamed Raliou a plutôt salué l’engagement des journalistes aux côtés du CNSP (le Conseil national pour la sauvegarde de la partie) pour la souveraineté du pays et annoncé des réformes dans le secteur.

Togo : l'opposition dénonce des fraudes

Les Togolais attendent, ce vendredi 3 mai, toujours la proclamation des résultats provisoires des élections régionales et législatives du 29 avril. Ceux-ci devraient être publiés ce week-end.  La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), l'Union africaine (UA) et l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) ont exprimé leur satisfaction sur la tenue de ce double scrutin.

Les trois organisations internationales "se félicitent de la mise en place d'un cadre permanent de concertation" ainsi que du "bon déroulement de la campagne électorale" et "saluent la tenue des élections dans le calme"

L'interview de David Dossey

L'enjeu de ces législatives est particulièrement important puisque le chef du parti majoritaire à l'Assemblée nationale sera automatiquement nommé président du Conseil, une sorte de "super Premier ministre" qui concentrera tous les pouvoirs. Le rôle de président de la République devient un simple titre honorifique. La Cour constitutionnelle devra ensuite valider ou non les résultats provisoires qui seront publiés par la Commission électorale nationale indépendante (Céni). 

Mais l'opposition, qui a participé à ces élections, dénonce de nombreuses irrégularités. C’est ce que confirme aussi David Dossey, coordinateur de Tournons La Page (TLP) au Togo, qui s'exprimait sur la DW Afrique ce vendredi. 

Bénin : la tension monte de plus en plus sur le plan social

Samedi 27 avril déjà, la police avait tiré des gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation contre le coût de la vie.Une manifestation organisée par les syndicats à Cotonou, la capitale économique du Bénin. En 2023, l'économie béninoise s'est montrée résiliente même si elle a souffert de la fermeture de la frontière avec le Niger après le coup d'État, d'une augmentation de l'inflation et d'une hausse des prix de l'essence, d'après la Banque mondiale. 

La répression en réponse

Alors que le Bénin était autrefois connu pour sa démocratie multipartite, les critiques assurent désormais que le président Patrice Talon a conduit le pays sur une voie autoritaire depuis son arrivée au pouvoir en 2016.
De nombreux dirigeants de l'opposition ont été emprisonnés ou se sont exilés.
Selon l'organisation Reporters sans frontières (RSF) la liberté de la presse "a fortement reculé" dans le pays.

"Nous n'avons pas peur" Noël Chadaré (Cosi-Bénin)

A la répression des manifestations contre la vie chère s'ajoute l'émotion suscitée dans le pays par les violences policières contre les motards qui ne portent pas de casque.

En prenant la décision de rendre obligatoire le port du casque,les autorités souhaitaient "dans un premier temps, renforcer la sécurité publique". Mais la répression n'a pas manqué de susciter des remous au sein de la population.

Noël Chadaré est le secrétaire général de la Confédération des organisations syndicales indépendantes du Bénin (Cosi-Bénin). Il revient sur cette tension sociale au Bénin, les revendications des syndicats, mais aussi le besoin d'un dialogue. 

Cliquez sur l'image pour écouter ses explications.

La participation un des enjeux des élections au Togo

Les premiers résultats officiels des élections législatives et régionales du lundi 29 avril sont attendus ce mardi ou mercredi.

Un peu plus de quatre millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour choisir leurs 113 députés et 179 conseillers régionaux.

Ces élections interviennent dans un climat de tension politique après l'adoption par le Parlement d’une nouvelle Constitution qui fait passer le pays d’un régime présidentiel à un régime parlementaire.

Le double scrutin s’est dans l’ensemble bien déroulé, selon les observateurs.

"Scrutin libre et transparent"

Une mission électorale de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), chargée d'observer les élections, a jugé le scrutin "libre, équitable et transparent", lors d'une conférence de presse à Lomé mardi.

Les observateurs de la CEN-SAD ont évoqué "la transparence et la régularité du double scrutin du 29 avril", en estimant qu'il devait "être considéré comme libre, équitable et transparent" lors de ce point-presse.

Mais la participation aurait été faible, notamment dans la capitale Lomé. Cliquez sur l'image pour écouter l'analyse de Dany Ayida, expert en gouvernance. 

"Plusieurs Togolais ne croient plus que leurs voix comptent", Dany Ayida (Analyste)

La nouvelle Constitution 

L'enjeu de ces législatives est particulièrement important puisque le chef du parti majoritaire à l'Assemblée nationale sera automatiquement nommé président du Conseil, une sorte de super-Premier ministre qui concentrera tous les pouvoirs. 

Le rôle de Président de la République devient un simple titre honorifique. 

L'opposition togolaise, qui dénonce le nouveau texte, y voit une manière pour l'actuel chef de l'Etat, Faure Gnassingbé, président depuis 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans à la tête de l'Etat, de rester au pouvoir, sans avoir à se soumettre à la limitation du nombre de mandats présidentiels. 
 

Les Togolais dans l'attente des résultats du double scrutin

Les dépouillements ont débuté en fin de journée après la fermeture des bureaux de vote. Au total, 113 députés à l'Assemblée nationale doivent être élus, mais aussi, pour la première fois, 179 conseillers régionaux qui, avec les conseillers municipaux, désigneront le Sénat nouvellement créé.

Mobilisation plus forte à l'intérieur du pays

Si dans les villes de l'intérieur du pays, la mobilisation a été importante, à Lomé, la capitale, les électeurs ont été peu nombreux d’après certains observateurs.

"Je ne ressens pas beaucoup d'engouement, c'est un peu préoccupant pour moi", a constaté l'opposant Jean-Pierre Fabre, candidat aux élections législatives. Il a déclaré avoir été surpris par la faible affluence dans certains bureaux de vote. 

Une femme vote au Togo
Selon cette réforme adoptée le 19 avril à l'unanimité par les députés, le président sera élu pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, par les députés.null Emile Kouton/AFP

Plus de quatre millions de Togolais sont inscrits sur les listes électorales et devaient voter dans 14.000 bureaux de vote sur l'ensemble du territoire.

"On a commencé à 7 heures. » Il y a les candidats qui étaient là, ils ont voté. Monsieur le maire aussi était là. Tout se déroule normalement", a déclaré Loufaye Eyana, responsable d'un bureau de vote à Lomé, avant d'ajouter que "tout s'est passé dans le calme." 

Des observateurs internationaux

Une soixantaine d'observateurs internationaux sont accrédités pour ces élections. Ils viennent notamment de l’Union africaine, de la Cédéao, de l'Organisation internationale de la Francophonie et de la Communauté des États sahélo-sahariens.

"Tout se passe dans le calme, les premières impressions sont de bonnes impressions", a estimé Ida Ameyovi Agbemavor, coordinatrice des activités de la mission d'observation de la Communauté des États sahélo-sahariens.

Jusque-là, le scrutin semble se dérouler correctement, reste l'étape de la centralisation et de la proclamation des résultats.

Les observateurs livreront leur premier rapport dès ce mardi, alors que la Commission électorale indépendante, selon le Code électoral, a six jours pour proclamer les résultats provisoires. 

 

 

La DW réagit au blocage de son site internet au Burkina Faso

Communiqué de la DW

Le Burkina Faso verrouille l'accès à la page internet de la Deutsche Welle – La directrice des programmes de la DW demande "un rétablissement immédiat de l'accès".

Dans un communiqué, le Conseil supérieur de la communication burkinabè parle d'un "verrouillage jusqu'à nouvel ordre" de la page internet de la Deutsche Welle. D'autres organes de presse sont aussi concernés par cette mesure.

Pour la directrice des programmes de la Deutsche Welle, Nadja Scholz, "le verrouillage de l'accès à la page internet de la Deutsche Welle et d'autres médias au Burkina Faso signifie pour les gens sur place qu'ils se voient retirer des sources d'informations importantes et indépendantes. La diffusion de nos programmes au Burkina Faso et sur le Burkina Faso est toujours basée sur des faits et une approche équilibrée. Nous demandons avec insistance aux autorités de régulation, de rétablir le plus vite possible l'accès à notre page internet."

Ce blocage fait suite au traitement sur les chaînes internationalesd'un rapport de Human Rights Watch, qui accuse l'armée burkinabè d'avoir commis des massacres de masse sur des populations civiles. Le gouvernement rejette le rapport de HRW qu'il considère comme des "accusations sans fondement".

La Deutsche Welle atteint ses utilisateurs au Burkina Faso notamment à travers sa diffusion en français et travaille avec 15 stations partenaires qui reprennent surtout les émissions radiodiffusées. Le programme en français pour l’Afrique (DW Afrique) fait partie du top 7 des 32 langues de diffusion de la Deutsche Welle. Les émissions de la DW en français ont une audience hebdomadaire estimée à 13 millions de contacts d’utilisateurs. 

Les contenus publiés par la DW en français demeurent accessibles au Burkina Faso sur les réseaux sociaux : X, Facebooket TikTok. Les utilisateurs des contenus en français de la DW peuvent en outre contourner la censure en recourant à certains outils, entre autres Psiphonet l'Appli DW.

Des conseils pour contourner la censure sur internet

La DW est le service international d'informations en Allemagne. En tant qu'entreprise de médias indépendante, elle diffuse vers le monde entier des nouvelles et des informations indépendantes en 32 langues, contribuant ainsi à des prises de décisions libres et renseignées. Le travail de la DW se concentre sur des thèmes tels que la liberté et les droits de l'Homme, la démocratie et l'État de droit, le commerce mondial et la justice sociale, l'éducation à la santé et la protection de l'environnement, la technologie et l'innovation. Les programmes télé, en ligne et radio de la DW génèrent chaque semaine 320 millions de contacts d’utilisateurs.       

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29 avril 2024

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Élections législatives et régionales sous tensions au Togo

Les électeurs en âge de voter sont aux urnes ce lundi 29 avril pour élire leurs députés et, pour la première fois, leurs conseillers régionaux.

Ce double scrutin se tient dans un contexte tendu depuis l'adoption contestée, le 19 avril 2024, d'une nouvelle Constitution qui a fait basculer le pays d'un régime présidentiel à un régime parlementaire

Togo Präsidentschaftswahl in Lome l  Wahllokal - Stimmabgabe von Jean-Pierre Fabre ANC Partei
null Reuters/L. Gnago

Contrairement au dernier scrutin, l'opposition togolaise a décidé de ne pas boycotter ces élections législatives et régionales.

Jeudi dernier, l'Alliance nationale pour le changement de Jean-Pierre Fabre a appelé ses militants à sortir "massivement" ce 29 avril pour accomplir leur devoir civique.

La crédibilité du scrutin

Cependant, l'ancien ministre togolais de l'Intérieur, qui vit en exil, François Esso Boko, émet des réserves quant à la crédibilité du processus électoral en cours.

"Les modifications des règles du jeu électoral ont été opérées dans des conditions opaques. Le découpage électoral actuel opéré en janvier est inique et est censé garantir une victoire au camp présidentiel. L'épiscopat, qui a voulu déployer 500 observateurs, a été empêché par le ministère de l'Administration territoriale. Tout ceci vous prouve que les dés sont pipés. Néanmoins, le peuple togolais, seul détenteur de sa souveraineté populaire, peut massivement déjouer tous les pronostics", estime François Esso Boko.

"Les dés sont pipés" (François Boko)

François Esso Boko a été ministre de l’Intérieur du régime de l’ancien président Gnassingbé Eyadema, le père de l'actuel chef de l’Etat togolais. En avril 2005, lors de la première élection de Faure Gnassingbé, il avait dénoncé la fraude avant d'être exfiltré à l’aide notamment des Allemands et des Américains. Il s'est réfugié depuis en France.

Une formalité pour le pouvoir ?

Les élections de ce lundi semblent donc s’annoncer comme une formalité pour le parti au pouvoir, l'Union pour la République (Unir). L'ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin, le professeur de droit public Théodore Holo, est lui aussi sceptique.

"Car ce sont les mêmes hommes, que ce soit un régime présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire, qui, depuis 1967, exercent le pouvoir au Togo. Si ces hommes ne changent pas, s'il n'y a pas alternance, ça m'étonnerait que la gouvernance puisse changer", dit Théodore Holo.

Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique, du Travail et du Dialogue social, cadre d’Unir, le parti de la majorité au pouvoir, prône l'apaisement.

Les Togolais sont mobilisés pour ce double scrutin
Ces élections ont lieu alors que le Togo vient de basculer d'un système présidentiel à un système parlementairenull Diomande Ble Blonde/AP/picture alliance

"Si les Togolais, ce qui est notre souhait et notre espoir, font confiance au parti Unir et expriment à nouveau leur confiance et leur soutien au président Faure Essozimna Gnassingbé, nous allons travailler dans l'esprit d'ouverture envers toutes les autres composantes de la nation. Et donc, nous pensons que, face aux défis, nous avons besoin de cohésion, nous avons besoin d'unité. Malheureusement, nous constatons que ce n'est pas ce discours de projet d'unité que nos frères et sœurs de l'opposition tiennent", explique à la DW Gilbert Bawara.

Selon la nouvelle Constitution, adoptée le 19 avril à l'unanimité, ce sont les députés qui éliront le président pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.

Mais celui-ci n’aura plus qu’un rôle de représentation et le véritable exercice du pouvoir résidera entre les mains du président du Conseil des ministres. 

Le chef du parti vainqueur des élections du 29 avril sera nommé à cette nouvelle fonction, sans limitation de mandat. Tout porte à croire que ce sera Faure Gnassingbé.

Le pétrole coule entre le Niger et le Bénin

Cette importante infrastructure, qui a été inaugurée en novembre 2023 et été rendue opérationnelle le 4 mars 2024, à la faveur de la visite au Bénin de fonctionnaires des douanes nigériennes, pourrait améliorer les relations entre les deux pays. 

Même si elle n'est pas encore vraiment officielle, à en croire les autorités béninoises, l'arrivée des premières gouttes du pétrole nigérien par le pipeline Niger-Bénin à la station terminale de Sémé Kraké, côté béninois, semble désormais actée. 

Une bonne nouvelle pour les Béninois, selon Moumouni Khalilou Boubacar, opérateur économique nigérien vivant au Bénin. Il rappelle que "c’est un projet attendu de part et d'autre des deux Etats. Le projet de pipeline va créer de nombreux emplois directs et indirects, c'est un soulagement pour nos deux Etats."

Ecoutez le reportage au Bénin...

Le Niger booste sa production pétrolière 

Le pipeline, long de 2.000 kilomètres, relie les champs pétroliers d’Agadem à un terminal situé entre Cotonou et Porto-Novo, et fait désormais du Niger l'un des principaux producteurs de pétrole sur le continent africain.   

Sa production quotidienne, qui était de 20.000 barils, connait ainsi une croissance significative et passe désormais à 120.000 barils.

Dans un contexte de crise entre le Niger et son voisin, l'économiste Rodrigue Rustico se dit persuadé que ce projet jouera un rôle crucial dans l'atténuation de la tension qui prévaut depuis bientôt un an entre les deux Etats. 

Pour lui, "c’est un élément très important qui relie désormais les deux pays. Le Bénin a beaucoup à gagner sur le plan fiscal. Quand vous voyez déjà les recettes fiscales prévisionnelles, on tourne autour de 500 millions de dollars. Le Bénin pourra également créer près de 2.000 emplois. C'est purement des intérêts économiques qui sont en jeu. On ne va pas investir autant d'argent et se diviser. Il n'y pas de raison que chaque Etat puisse décider de rester dans son coin pour pouvoir avancer."

La Cédéao allège les sanctions envers trois de ses membres

Un projet qui suscite la fierté  

Partout au Bénin, comme d'ailleurs dans toutes les localités du Niger, l'aboutissement de ce projet semble faire la fierté des populations. Pour Moustapha El Hadji Adam Obama, activiste résidant à Zinder, c'est le sens des intérêts communs qui a pris ainsi le dessus sur la politique. 

Il estime que "les deux pays ont deux visions différentes par rapport à ces questions politiques. Etant donné que la nature a fait que ces deux pays sont voisins, et que bien avant ce coup d'Etat il y avait eu un projet économique, par rapport à cela, les autorités de ces deux pays ont eu un grand esprit de ne pas interrompre ce projet, et que le pétrole du Niger a coulé près de 2.000 km pour aller au Bénin." 

Mais pour l'heure, les relations demeurent tendues entre Cotonou et Niamey. La frontière terrestre entre les deux pays, pourtant officiellement rouverte, est maintenue fermée par les autorités nigériennes qui bloquent toujours les camions en provenance du Bénin. Le pétrole pourrait donc jouer un rôle dans la décrispation de la situation. 

Niger : le retrait militaire américain discuté à Niamey

Le Secrétaire adjoint à la Défense pour les opérations spéciales et les conflits de faible intensité, Christopher Maier, et le lieutenant-général Dag Anderson, directeur du développement des forces interarmées à l’état-major interarmées, prendront part à des réunions de suivi à Niamey afin de  "coordonner ce processus de retrait dans la transparence et le respect mutuel".

"Les États-Unis sont fiers de la coopération en matière de sécurité et du sacrifice commun des forces américaines et nigériennes, un partenariat qui a contribué efficacement à la stabilité au Niger et dans la région. Dans le cadre des discussions en cours depuis juillet 2023, nous n’avons pas été en mesure de parvenir à un accord avec le CNSP pour poursuivre cette coopération en matière de sécurité d’une manière qui réponde aux besoins et aux préoccupations de chaque partie. Les États-Unis se félicitent de l’intérêt du CNSP pour le maintien d’une relation bilatérale forte" , ajoute le communiqué.

L'interview de Franklin Nossiter

Ils sont un peu plus d'un millier et sont déployés dans la base d'Agadez dans le nord.  Le séjour de cette délégation précède la visite annoncée la semaine prochaine à Niamey, du sous-secrétaire d’Etat américain. Selon Washington, Kurt Campbell viendra discuter des nouvelles perspectives de coopération entre le Niger et les Etats-Unis

Analyse de cette nouvelle phase des relations entre Washington et Niamey avec Franklin Nossiter, chargé de recherche Sahel à International Crisis Group. 

Cliquez sur l'image pour écouter l'intégralité de l'interview.

Bientôt des assises nationales au Burkina Faso

L’organisation de ces assises nationales est un sujet qui fait polémique. Des partisans des autorités de transition estiment que ce serait trahir le peuple Burkinabé si des assises fixaient la date d’organisation des élections. Pour eux, il faut simplement prolonger la transition. Doro Traoré, président de l’association " En avant l’Afrique ". 

"A partir du jour de l’assise, il faut une transition prolongée de 6 mois à 5 ans. On devrait, au minimum, prolonger la transition à 10 ans" affirme Doro Traoré qui se dit "prêt de lancer cet appel."

Le président de l’association " En avant l’Afrique ", ajoute qu'"Aujourd’hui, on a des équipements militaires pour lutter contre le terrorisme. Vous voyez, il tient ses promesses. Il a dit, devant Poutine que d’ici 5 ans, chaque pays soit autosuffisant pour ne plus demander du blé. Vous voyez, des champs de blé commencent à pousser au Burkina Faso. L’Afrique a besoin de cet homme-là."

Une foule acclamant le capitaine Ibrahim Traoré
Le premier ministre du Burkina Faso avait affirmé qu’il ne pourrait y avoir d’élections " sans sécurité "null Vincent Bado/REUTERS

"Nous souhaitons que l’avenir se dessine"

Du côté politique, on attend plutôt de ces assises, des propositions claires et un chronogramme sur l’agenda de la transition.

Aimé Macaire Ouédraogo, président des jeunes cadres de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) souhaite "que ces assises ne soient pas une rencontre entre amis ou copains pour décider de l’avenir de la nation. Nous souhaitons que ces assises soient plutôt de véritables retrouvailles nationales, de véritables rencontres politiques mais aussi sociales pour traiter de fond en comble des questions de l’avenir du Burkina Faso."

Aimé Macaire Ouédraogo fait remarquer que : "nous sommes à la fin d’une transition et nous souhaitons que l’avenir se dessine avec des gages clairs, avec un chronogramme clair, avec  bien sûr une adhésion parfaite au nouveau projet de charte issue de ces assises qui va inclure les positions plurielles des Burkinabé qui souvent ne s’entendent pas sur certains points. Mais que l’esprit démocratique demeure et que l’esprit républicain également guide les choix et les propositions."

Les explications de Charles Bako

Selon l’analyste politique Alassane Zoromo, les attentes sociopolitiques et économiques sont grandes.

"Ces projets d’assises nationales viennent dans un contexte particulier marqué par une crise sécuritaire qui était là et ne fait pas de projection. Il faut noter également que ces assises vont se tenir dans un contexte de fracture politique et sociale. Les hommes politiques sont dans une situation où ils n’ont plus la parole en tant que tel. La suspension des activités des partis politiques depuis la prise de pouvoir par le MPSR n’est pas rétablie. Donc, il faut dire que c‘est dans ce sens que je qualifie la situation de fracture politique parce que les hommes politiques n’ont pas d’instance pour se réunir et se concerter avant de prendre part à ses assises", rappelle l’analyste politique.

Pour certains burkinabé, ces nouvelles assises sont juste un prétexte pour prolonger la transition.

HRW dénonce des crimes de guerre au Burkina Faso

Human Rights Watch dénonce des exactions parmi "les pires commises par l'armée du Burkina Faso depuis 2015".

L'ONG de défense des droits humains accuse l'armée d'avoir "exécuté au moins 223 civils", dont des dizaines d'enfants, dans deux villages du nord du pays. C'était fin février.

L'organisation soupçonne des crimes de guerre et réclame aux autorités burkinabè de transition de réagir.

Des témoignages bouleversants

Les faits remontent à février et sont révélés ce jeudi dans un rapport publié par Human Rights Watch qui affirme que les forces de sécurité burkinabè auraient "tué 44 personnes, dont 20 enfants, dans le village de Nondin, ainsi que 179 autres personnes, dont 36 enfants, dans le village voisin de Soro". Ces deux localités sont situées dans la province du Yatenga, dans le nord du pays.

Pour établir ce décompte, l'ONG s'est entretenue avec des témoins des tueries, des militants de la société civile locale, des membres d'organisations internationales. Les survivants ont relaté des scènes traumatisantes, raconte Ilaria Allegrozzi, chercheuse sur le Sahel à Human Rights Watch : 

"Ils nous ont décrit comment les militaires sont arrivés en convoi, avec des véhicules et portant des uniformes de l'armée burkinabè. Les soldats ont fait du porte-à-porte, ont fait sortir les gens, les ont regroupés puis ils ont ouvert OK le feu sur ces civils, des hommes, des enfants, des femmes, des vieillards."

HRW a également étudié des documents (vidéos et photos) partagés après ces tueries par des survivants. Les informations collectées ont corroboré leurs dires et permis de localiser plusieurs fosses communes.

Les Burkinabè débattent des réquisitions forcées

Lutte antiterroriste dans le Sahel

Les Forces de sécurité (FDS) du Burkina Faso luttent contre plusieurs groupes armés très violents, principalement le GSIM et l'Etat islamique dans le Grand Sahara.

Ces deux groupes ont revendiqué ces derniers mois plusieurs attaques de casernes, mais aussi de camps de personnes déplacées, d'habitations, de lieux de culte.

Les 24 et 25 février 2024, des djihadistes auraient lancé des attaques "coordonnées simultanées", selon les autorités burkinabè. Le lendemain, le ministre de la Défense, Mahamoudou Sana, a expliqué sur la chaîne publique RTB que l'armée avait donc répliqué par des opérations antiterroristes, couronnées de succès.

"Nous sommes dans une dynamique de reconquête, et nous sommes dans une dynamique d'infliger le maximum de perte à l'ennemi", a ainsi expliqué  le ministre à la télevision. "L'ennemi entreprend des actions pour pouvoir nous décourager. Mais cela également, c'est sans compter sur la résilience et la détermination du peuple burkinabè. Cela également est un message à l'endroit de l'ennemi pour qu'il comprenne que désormais le peuple est debout, et que le peuple burkinabè va se battre pour défendre sa patrie."

Débat : vivre dans un pays en guerre

Complicité passive, complicité active et dénonciations

Toutefois, durant cette interview à la RTB, Mahamoudou Sana n'a pas évoqué les victimes civiles des violences, y compris celles commises par les FDS. Le ministre en a toutefois profité pour rappeler sans ambages les attentes des autorités envers les citoyens.

"Il faut que la population sache que, désormais, il faut participer fortement à la coproduction en matière de sécurité, et cela à travers les dénonciations des individus suspects, le signalement d'objets suspects", poursuit le ministre de la Défense avant d'ajouter, comme une mise en garde à ses concitoyens qu'"il faut éviter la complicité passive ou active".

Il s'explique en ces termes : "Quand je parle de complicité active, et ça agit, des individus qui, délibérément, appuient ces ennemis à pouvoir atteindre leur objectif, notamment dans le transport, la logistique ou bien dans l'appui, l'aide au financement de certaines actions. […] La complicité passive, il s'agit du profil bas : vous avez des comportements suspects qui peuvent être détectés mais certains citoyens se diront: ce n'est pas mon travail, c'est le travail des FDS.[…]  Je tiens à préciser ici que le Code pénal est clair : tout complice est sanctionné à la hauteur, au même titre que l'auteur."

Y a-t-il une démocratie à l'africaine ?

Les civils pris entre le marteau et l'enclume

Ilaria Allegrozzi, de HRW, critique cette politique qui ne dit pas son nom : "Ces deux attaques [à Nondin et Soro] sont des attaques de représailles perpétrées par les Forces de sécurité contre la population civile, accusée d'être complice, de collaborer, de soutenir les djihadistes qui pourtant contrôlent la zone, y font des ravages et s'attaquent aussi aux civils. Les civils se retrouvent entre deux feux."

Pour l'heure, les autorités n'ont pas apporté de réponse officielle aux accusations de l'ONG mais selon Ilaria Allegrozzi, les allégations ne devraient pas les surprendre :

"Ce qu'il faut retenir, c'est le courage des survivants et leurs familles qui, dès le lendemain de ces massacres, se sont rendus à la gendarmerie de Ouahigouya pour faire une déposition. […] Notre rapport ne devrait pas surprendre les autorités. Elles sont au courant. Au lendemain de ces massacres, le procureur du tribunal de Ouahigouya, la principale ville de la région, a annoncé l'ouverture d'une enquête", dit-elle.

HRW souligne par ailleurs que les massacres de Nondin et Soro s'inscrivent dans une stratégie et sont loin d'être des événements isolés. L'ONG souhaite que les autorités permettent que l'enquête avance de manière indépendante pour juger les responsables de violences qui pourraient s'apparenter à des "crimes de guerre" ou des "crimes contre l'humanité". Avec le concours des Nations unies ou de l'Union africaine.

HRW réclame aussi, à l'Etat burkinabè et à ses partenaires étrangers qu'ils viennent en aide aux victimes et leurs proches, en leur fournissant une assistance matérielle, psychologique et  médicale. Et en prévenant ce type de violences à l'avenir.

Mise en garde de l'Allemagne

Le ministère allemand des Affaires étrangères met par ailleurs en garde les touristes contre un risque accru d'actes terroristes et d'enlèvements au Burkina Faso. L'organisation catholique "Kirche in Not" signale quant à elle que plusieurs chrétiens auraient été enlevés et d'autres tués dans un village près de Fada N'Gourma, dans l'est du pays.
 

Mali-Guinée-Burkina : les transitions durent, le ton monte

Au Mali, la liste des personnalités arrêtées pour avoir dénoncé la gestion de la transition militaire est longue.

L’activiste et artiste Ras Bath est en prison depuis plus d’un an. Egalement derrière les barreaux : Adama Ben Diarra, alias Ben le cerveau, la blogueuse Rokia Doumbia, ou encore l’économiste Etienne Fakaba. Oumar Mariko, le président du parti politique le Sadi a, lui, préféré s’exiler, tout comme l’influent imam Mahmoud Dicko. 

Les militaires ne veulent pas qu’on leur rappelle qu’ils s’étaient engagés à organiser des élections en février 2024 et qu’il est temps que la transition prenne fin.

"Nous n’avons pas soutenu le coup d’Etat en 2020. Nous l’avons condamné. On a décidé tous de sortir rapidement de cette situation. Ce qui est reproché aux autorités actuelles c’est qu’on n’a pas de visibilité. Une transition ne peut pas se prolonger indéfiniment", estime Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti Yelema.

Le 10 avril dernier, les militaires ont annoncé la suspension des activités des partis politiques qui leur rappelaient que la transition a pris fin le 26 mars 2024.

Des Nigériens rassemblés en soutien à la junte au pouvoir, le 26 août 2023
Les militaires peuvent cependant compter sur le soutien de nombreux citoyensnull AFP

La peur de la répression

En Guinée, où le fraîchement promu général Mamadi Doumouya a pris le pouvoir après avoir renversé le président Alpha Condé, en septembre 2021, la fronde est également grande, en dépit de la nomination, en février dernier, d’un nouveau Premier ministre, Bah Oury, une des grandes figures de l’opposition.

L’opposition demande l’organisation des élections avant le 31 décembre prochain. Faute de quoi, elle affirme qu’elle ne reconnaitra plus le pouvoir militaire.

Au Burkina Faso, la fronde est moindre, mais cela s’explique par la peur de la répression, car les voix discordantes ne sont pas tolérées. Des hommes politiques et des acteurs de la société civile ont été réquisitionnés et envoyés au front pour combattre les djihadistes.  

"Il faut se dire que nous sommes dans un régime militaire. Le régime militaire, c’est avant tout la caserne. Ce n’est pas un régime démocratique. Aujourd’hui, chacun se méfie et ne rend pas la parole comme il le veut", explique Guy Olivier Ouédraogo, secrétaire de la Confédération syndicale du Burkina.

Des Nigériens rassemblés en soutien à la junte au pouvoir, le 26 août 2023
Les militaires peuvent cependant compter sur le soutien de nombreux citoyensnull AFP

Les raisons de la grogne

Pourquoi le fossé se creuse-t-il entre les militaires et la classe politique dans les différents pays en transition ?

"La lecture que nous faisons est que les militaires sont dans une logique de conservation du pouvoir et c’est cela qui peut amener à une certaine division", dit Guy Olivier Ouédraogo de la Confédération syndicale du Burkina.

Le syndicaliste burkinabè dit ne pas croire à court terme, à l’organisation des élections dans son pays.

La Cédéao impuissante

Et face à ces transitions militaires qui perdurent, la Cédéao se montre impuissante et se fait de plus en plus discrète. Après avoir menacé d’intervenir au Niger, autre pays sous transition militaire, elle est revenue sur sa décision. Elle a même levé le blocus économique qui touchait le pays. 

Il est temps d'en finir avec ces transitions pour s'attaquer aux problèmes sociaux, estime ainsi Hamidou Doumbia, du parti Yelema.

Au Burkina, la cour d’appel exige la libération de Guy Hervé Kam

La décision rendue hier par le président de la cour administrative d’appel de Ouagadougou est une décision qui devrait être exécutoire.

Les avocats de la défense expliquent que "l’arrêt rendu en appel est en dernier ressort." C’est-à-dire qu’il doit immédiatement prendre effet, à partir du moment où il a été décidé.

Mais rien n’est n’a encore été constaté au sujet de la libération de Guy Hervé Kam. Ce n’est d’ailleurs pas une première, faut-il encore le rappeler, qu’une décision de justice n’ait pas été exécutée par les autorités militaires burkinabé.

Ce n’est pas une première

La décision du tribunal administratif en date du 06 Décembre 2023 qui suspendait l’ordre de réquisition de Rasmané Zinaba, Bassirou Badjo et du journaliste Issiaka Lingani n’a toujours pas été respecté. Sans oublier celle portant sur le cas d’Anselme Kambou disparu depuis plusieurs mois.

Selon le Pr Yoporeka Somet, secrétaire national du mouvement SENS, chargé du Panafricanisme et de la Diaspora, l’Etat ne devrait pas se mettre au-dessus de la justice.

"Si l’Etat ne respecte pas les lois, ses propres lois, je ne vois pas comment le citoyen ordinaire pourrait le faire. Donc pour moi, il n’y a pas de débat. Elle s’applique et on attend son application", a expliqué le Pr Yoporeka Somet.

Le capitaine Ibrahim Traoré
Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a signé en avril un décret de "mobilisation générale" d'une durée d'un an, permettant la réquisition des "jeunes de 18 ans et plus" pour lutter contre les jihadistes dont les attaques ensanglantent le pays depuis près de dix ans.null Kilaye Bationo/AP/picture alliance

Responsabilité de l’Etat engagée

Maitre Ambroise Farama, avocat de la défense de Guy Hervé Kam, rappelle que la responsabilité des agents de l’Etat qui refusent d’exécuter les décisions de justice pourrait être engagée dans ce dossier.

"S’il y a des agents de l’Etat qui refuse d’exécuter des décisions de justice, nous aviserons. Parce qu’il faut le dire, la responsabilité individuelle de ceux-là qui refusent d’exécuter des décisions de justice peut être engagée, et je pense qu’il sera de notre devoir d’envisager à engager des responsabilités individuelles et personnelles de tous ceux-là qui contribuent à maintenir Maitre Kam dans l’arbitraire et en violation de toutes les règles de la république", a-t-il prévenu.

Pourtant, lors de sa prestation de serment le vendredi 21 octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré avait pris l’engagement de respecter et de faire respecter la constitution, en jurant devant le peuple Burkinabé en ces termes, je cite : "de préserver, de respecter, de faire respecter et de défendre la charte de la transition et les lois. De tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les habitants du Burkina Faso".

C’est aussi cette situation qui a motivé la publication d’une déclaration le 27 mars 2024, par une dizaine d’organisations de la société civile qui a appelé le gouvernement au respect des dispositions de la constitution et à la libération sans délai de toutes les personnes illégalement arrêtées. Ces organisations regrettent que les dirigeants actuels défient ouvertement l’autorité du pouvoir judiciaire.

Blocus en pays dogon contre l'inaction de l'Etat malien

Au Mali, les populations de Bankass et de Bandiagara ne cachent plus leur mécontentement face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays dogon. Elles multiplient les actions, comme le blocus imposé sur la RN15, la semaine dernière, ou encore des communiqués pour dénoncer l'insécurité qui règne dans leur zone.

Plusieurs bus ont été récemment attaqués par des groupes armés terroristes et leurs passagers pris en otage. Leurs proches se disent sans nouvelles d'eux.

La nationale 15 bloquée

Installation d'un camp militaire, quadrillage de la zone par l'armée malienne et libération des otages : ce sont les conditions posées par les habitants du cercle de Bankass pour lever le blocus sur la route nationale 15.

Jeudi et vendredi derniers, les accès à cet axe stratégique ont été bloqués par de jeunes manifestants qui protestaient ainsi contre la multiplication des attaques, visant notamment les bus de transports.

Mamoutou Guindo, du Comité local des jeunes de Bankass, explique aussi que les représentants de Bankass n'ont pas pris part à la phase régionale du dialogue inter-malien qui s'achève ce lundi 22 avril 2024 :

"Nous estimons que participer à ce dialogue n'a pas de sens. Parce qu'à chaque fois qu'on participe à ce genre de rencontre sur la cohésion sociale et le retour de la paix, c'est à ce moment même qu'on nous attaque. C'est à ce moment qu'on nous prend en otage".

"Nous sommes livrés à nous-mêmes"

Soungalo Tessougué, un autre habitant de Bankass, a un proche parmi les personnes enlevées par les groupes armés. Celui-ci parle d'un sentiment d'abandon :

"Nous sommes livrés à nous-mêmes. Nous ne savons vraiment pas où aller, nous n'avons pas de secours. J'ai l'impression que tout le monde est sourd et muet sur la situation actuelle des personnes enlevées en 2021, en 2023 et jusqu'à présent en 2024. Nous, les populations de Bankass, nous avons souffert, nous ne savons que faire et encore moins que dire".

Les forces vives de la région de Bandiagara ont, dans un communiqué, publié vendredi dernier (19 avril), dénoncé, "la persistance des attaques terroristes, les récents enlèvements et prises d'otages des civils, le nombre croissant des déplacés et l'inaction des forces armées et de sécurité". 

Les jeunes réclament d'être protégés

Amadou Lougué, le président de l'Association des jeunes de Bandiagara, explique le mouvement de protestation: "Notre objectif, c'est de demander plus de sécurité. Il faudrait que les autorités nous comprennent dans ce sens. Nous sommes des Maliens. Tout le monde a droit à la sécurité, comme les autres Maliens. Nous nous sommes dit que c'est un moyen de mettre la pression sur nos autorités pour au moins assurer notre sécurité".

Les habitants de Bankass prévoient un nouveau blocus, ce mercredi 24 avril, sur la RN15 si leurs revendications ne sont pas satisfaites entre-temps.

Nous avons cherché à contacter, sans succès, un responsable de la Commission défense et sécurité du CNT, l'organe législatif de la transition.

Les militaires américains vont se retirer d'Agadez

Les Etats-Unis ont donc accepté de retirer leurs 1.100 militaires stationnés sur la base aérienne d'Agadez, dans le nord du Niger. Une base construite par les Américains pour lutter contre les groupes djihadistes. Ce retrait fait suite à une demande de la junte, accompagné par des manifestations ce dimanche à Agadez.

Le Niger met fin à son accord militaire avec les Etats-Unis

La présence militaire américaine au Niger

Il y a eu d'abord la base militaire 101, située à l'aéroport de Niamey et partagée avec la France, que les Américains ont évacuée peu de temps avant le départ des soldats français et qui n'a accueilli qu'une centaine d'hommes.

Car les Etats-Unis ont construit, à partir de 2016 dans les environs d'Agadez, à 940 kilomètres de Niamey, la base aérienne 201, qui aurait coûté entre 110 millions et 250 millions de dollars selon les estimations.

Cette base de drones constituait un atout militaire majeur pour les Américains en termes de renseignement et d'identification des groupes terroristes dans cette région du Sahel.

Des manifestants au Niger, le 13 avril, pour protester contre la présence militaire américaine à Agadez (illustration)
En avril, des habitants d'Agadez sont descendus dans la rue pour réclamer le départ des soldats américainsnull Mahamadou Hamidou/REUTERS

La Russie prend ses marques

Le retrait américain signifie également une perte d'influence des Etats-Unis dans le Sahel car depuis le Niger, les Américains contrôlaient aussi le Mali, le Burkina Faso, le Soudan et la Libye.

Par ailleurs, leur départ devrait laisser le champ libre à la Russie, déjà présente militairement au Niger.

La base d'Agadez accueille 1.100 soldats américains. Pour l'instant, on ne sait pas ce qu'il adviendra de celle-ci après leur départ. En revanche, Washington envisagerait de se tourner vers d'autres pays tels que le Ghana, la Côte d'Ivoire et le Bénin pour y accueillir des drones de reconnaissance.

Au Togo, l'opposition en colère après l'adoption d'une nouvelle constitution

Au Togo, l'adoption de la nouvelle constitution vendredi soir à l'unanimité par les députés continue de diviser la classe politique. Le bras de fer entre l'opposition et la majorité présidentielle a démarré le 25 mars avec la validation en première lecture de la nouvelle Constitution. Face au tollé suscité par l'adoption de ce texte, le chef de l'Etat Faure Gnassingbé a ordonné le vendredi 31 mars, une seconde lecture à l'Assemblée nationale. Ce qui fut fait le vendredi 19 avril.

Pouvoir à vie

À l'approche des élections législatives et régionales  du 29, l'opposition togolaise craint que la nouvelle constitution qui fait entrer le pays dans la Vème République, ne laisse la voie libre à la prolongation du président Faure Gnassingbé à la tête du pays.

Samedi, au cours d'une conférence de presse samedi à Lomé,  une frange de cette opposition a appelé à "la mobilisation générale du peuple togolais" contre le régime de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans aux manettes du pays.

Jean-Pierre Fabre, le président de l'Alliance nationale pour le changement (ANC), au Togo, pointe quelque chose du doigt, hors cadre (archive de 2012)
Jean-Pierre Fabre a été plusieurs fois candidat à la présidentielle du Togonull DW/K. Gänsler

"Il s’agit d’un coup d’Etat constitutionnel contre lequel, tout le peuple togolais s’élève. Nous restons combatifs et nous disons que cela ne se passera pas ainsi" a réagi Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) et membre de  de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP, opposition).

Nathaniel Olympio, leader du Parti des Togolais ne cache pas non plus sa colère. Il estime que "les gens se sont inscrits avec la constitution de 1992. Chemin faisant, pendant la campagne, on change la Constitution, le vote devra se faire sous une autre constitution. C’est du jamais vu. Deux constitutions qui régissent une même élection, c'est une forfaiture, c’est un coup d’État", regrette Nathaniel Olympio qui est aussi coordinateur de la coalition "Touche pas à ma constitution", une coalition opposée au changement de constitution votée le 25 mars par l’Assemblée nationale 

Satisfecit de la majorité présidentielle

Le Togo passe ainsi d’un régime semi-présidentiel à un régime parlementaire, et de la  IVe  à la Vème République. 

Le pouvoir sera concentré entre les mains du "Président du Conseil des ministres", une nouvelle fonction.

Togo - MP3-Stereo

Selon Kouméalo Anaté, députée du parti majoritaire à l'Assemblée, l’Union pour la République (UNIR), "la majorité des Togolais adhèrent à ce régime et sont prêts à faire une nouvelle expérience et c’est adopté à l’unanimité. C’est vraiment un sentiment de satisfaction et de fierté. Ce régime va nous permettre de résoudre pas mal de problèmes, d’offrir à notre pays, des moyens pour son développement inclusif et durable"

Pour Séna Alipui, conseiller spécial de Gilchrist Olympio, le président de  l’Union de Forces du changement (UFC), il était nécessaire d’aller à une nouvelle constitution au Togo. 

"Il faut garder en tête qu’une constitution, ce n’est pas quelque de statique ou de figée. Pour nous, il vaut mieux essayer autre chose qui ressemble à quelque chose qu'on avait déjà proposé pour voir si ça peut permettre de mieux rassembler les Togolais. Et à l’usage, nous ajusterons cette Constitution, puisque rien n’est parfait, qu’il faut commencer quelque part".

En attendant, la coalition "Touche pas à ma constitution" a annoncé avoir "intenté une action devant la Cour justice de la Cedeao".

Niger : bientôt le bye-bye des soldats américains

Les milliers de soldats américains au Niger, qui constituent une force de renseignement et de lutte contre le terrorisme, vont très bientôt quitter le Niger. Ce qui suppose, selon Moussa Moumouni, stratège en matière de lutte contre le terrorisme, l’ultime étape du démantèlement de l’alliance internationale antiterroriste. Pour l'expert, le départ des troupes américaines du Niger est "une catastrophe pour le Niger en particulier et pour le Sahel en général".

Le départ des Américains est précédé par celui des militaires français. "Après les Français, c’est au tour maintenant des Américains de plier bagages et de partir, alors même que la coopération avec la France et les Etats Unis nous ont permis d’avoir des résultats positifs face aux terroristes", regrette Moussa Moumouni.

Des manifestants tenant une pencarte sur laquelle est écrit : "Armée américaine, tu pars tu bouges. Pas de Bonus ni negociation. "
Des manifestations ont eu lieu à l'appel d'un collectif de 24 associations de la société civile soutenant le régime militaire.null AFP

Des manifestations pour un départ immédiat

Dans la région d'Agadez, où se trouve la base militaire américaine, des milliers de personnes ont manifesté dimanche (21.04) pour exiger le départ sans délai des soldats américains.

Pour eux, leur présence n’a rien apporté à la région et au pays. "Comme nous l’avons toujours dit, cette base américaine n’a aucune utilité, et personne, aucun nigérien, ne peut vous dire ce qui se passe à l’intérieur de cette base. Donc ça c’est une humiliation vis-à-vis de notre peuple", explique Slimane Ag Ibrahim, activiste de la société civile d’Agadez.

"Et ils n’ont fait aucune réalisation pour la population locale d’Agadez, aucune, même pas un forage, une école ou quoi que ce soit", conclut l'activiste.

Une délégation américaine est attendue au Niger dans les prochains jours pour s'accorder sur les détails du retrait de ces soldats engagés dans la lutte antijihadiste au Sahel.

Les explications d'Abdoulkarim Mahamadou

Désormais, il revient à l’armée nigérienne de combattre le terrorisme sur le territoire et aux armées de l’espace sahélo-saharien au-delà de l’Alliance des Etats du Sahel de mutualiser leurs forces à travers les mécanismes existants pour lutter contre le terrorisme, estime Abdoulaye Seydou, président du mouvement M62.

Il cite l'example du "CEMOC (Comité d'Etat-Major Opérationnel Conjoint) qu’il faut redynamiser et renforcer qui regroupe l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali. Et de l’autre côté dans la zone des 3 frontières vous avez l’Alliance des Etats du Sahel qui est l’AES." 

Selon certains experts, tout porte à croire que la junte au pouvoir joue la carte de la Russie pour lutter contre le terrorisme, ce qui pour un observateur n’a apporté aucune plus-value au Mali qui s’est alloué les services du groupe de mercenaires Wagner.

Togo : nouveau vote pour ou contre la nouvelle Constitution

Les parlementaires avaient déjà adopté le 25 mars la nouvelle Constitution, qui ferait passer le Togo d'un régime présidentiel à un régime parlementaire. 

Mais le président Faure Gnassingbé avait demandé qu'ils procèdent à un nouveau vote devant le tollé provoqué par cette réforme qualifiée de "coup d'Etat constitutionnel" par l'opposition.  

Cette dernière y voit un moyen pour le président, au pouvoir depuis 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans à la tête du pays, de se maintenir aux commandes de l'Etat alors que la Constitution actuelle ne lui laisse la possibilité de briguer qu'un dernier mandat en 2025.  

Le poste de président du conseil des ministres 

En vertu de la nouvelle Constitution, il revient au parlement togolais d'élire le président de la République (qui est privé de toute prérogative), "sans débat" et "pour un mandat unique de six ans".  

Aux termes du nouveau texte, dont l'intégralité n'a pas été rendue publique, le pouvoir résidera entre les mains d'un "président du conseil des ministres", sorte de Premier ministre "désigné" par les députés, en charge des fonctions régaliennes.  

Son mandat doit être de six ans, sans qu'il soit précisé s'il sera renouvelable ou non. 

C'est ce point qui inquiète l'opposition qui craint que Faure Gnassingbé ne soit désigné à cette fonction, assurant son maintien au pouvoir pour une durée indéfinie. 

Faure Gnassingbe
Contrairement au dernier scrutin législatif de 2018 qu'elle avait boycotté, l'opposition a décidé de se mobiliser massivement pour les législatives de cette année.null Ute Grabowsky/photothek/IMAGO

Par ailleurs, une mission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) se trouve à Lomé depuis le début de la semaine. 

L'institution régionale avait dans un premier temps mentionné "le contexte crucial" au Togo et la "gravité des réformes constitutionnelles controversées". 

La volte-face de la Cédéao 

Avant de faire volte-face le lendemain en expliquant dans un communiqué qu'elle y effectue "une évaluation préélectorale" et "ne s'engagera dans aucun autre processus comme indiqué dans un communiqué antérieur". 

Selon David Dosseh, membre de la société civile togolaise et joint par la DW, "cette succession de communiqués contradictoires sur les vrais objectifs de la mission de la Cédéao au Togo   n'est pas faite pour nous rassurer. Il y a une espèce de volte-face de la Cédeao et cela nous amène à nous interroger sur la volonté véritable de cette institution de faire face à la question du coup d'Etat constitutionnel qui a cours en ce moment au Togo dans un contexte régional marqué par un regain de la démocratie au Sénégal, marquée également par les difficultés liées au divorce annoncé par les pays membres de l'Alliance des Etats du Sahel. Nous pensons que la Cédéao devrait davantage se focaliser sur ces situations de renversement de régime constitutionnel, comme c'est actuellement le cas au Togo, afin de ne plus prêter le flanc à certaines critiques, à certains reproches qui lui sont faits."

Bassirou Diomaye Faye en visite en Mauritanie

La Mauritanie est le pays que le président sénégalais fraîchement élu, Bassirou Diomaye Faye, a choisi pour sa première visite. Les deux Etats entretiennent une coopération dans plusieurs secteurs, comme celui de la sécurité, des hydrocarbures, de l'énergie ou encore de la pêche.

La pêche, au Sénégal, est en effet un secteur qui occupe une place importante dans l'économie. Quelques chiffres : environ 600.000 personnes y travaillent sur une côte de 700 kilomètres.

Avec la Mauritanie, ce sont quelque 500 licences qui ont été accordées à des pêcheurs sénégalais pour accéder aux eaux mauritaniennes.

La délicate question de la pêche

Mais la pêche est aussi un sujet sensible entre les deux pays selon Baye Diallo qui vit à Saint Louis au Sénégal. Ancien coordinateur du Conseil local des pêches artisanales (CLPA) il explique à la DW que "les pêcheurs sont confrontés à des problèmes" avec leurs voisins mauritaniens, notamment les garde-côtes qui les empêchent d'accéder aux eux mauritaniennes.

"Les pêcheurs sont confrontés à des problèmes "

Selon lui "les licences qui ont été octroyées par la partie mauritanienne au gouvernement sénégalais, c'est pour la pêche semi-industrielle. Il reste une très grande majorité d'acteurs de la pêche qui ne peuvent pas profiter de ces licences."

Baye Diallo estime par ailleurs "qu'il y a une plateforme d'exploitation de gaz que partage le Sénégal et la Mauritanie qui pouvait faire l'objet de zone tampon", ce qui n'est pas le cas déplore-t-il.

 L'exploitation des hydrocarbures est en effet un autre secteur stratégique pour les deux pays avec le grand gisement gazier GTA, situé au large, à la frontière maritime sénégalo-mauritanienne.

Un projet gazier en commun

Le projet du gisement gazier GTA, encore dénommé Grand Tortue/ Ahmeyim, est développé au moyen d'un système sous-marin en eau profonde et d'un navire flottant de production, de stockage et de déchargement qui traitera le gaz.

Si la première phase du projet verra la production de 2,5 millions de tonnes par an de gaz liquéfié, à terme, il est prévu jusqu'à dix millions de tonnes par an.

"Ce pétrole, ce gaz nous les partageons avec la Mauritanie"

Un projet colossal qui devrait contribuer au développement du Sénégal, mais aussi à celui de son voisin mauritanien.

Pour l'éditorialiste et analyste Pathé Mbodj, qui précise que le Sénégal est entré dans une ère d'exploitation du pétrole et du gaz, le déplacement du président sénégalais en Mauritanie est donc important.

"Ce pétrole et ce gaz sont là, nous les partageons avec la Mauritanie, nous les exploiterons au mieux. Il (Bassirou Diomaye Faye ndlr) a bien fait d'aller assurer ses arrières", explique-t-il.

Le début d'exploitation pour ce gisement est prévu pour cette année 2024. En ce qui concerne les infrastructures, il y a la construction, depuis 2021, du pont de Rosso, sur les deux rives du fleuve Sénégal, qui facilitera les déplacements entre les deux pays. 

La mobilisation générale reconduite pour un an au Burkina

Au Burkina Faso, le décret de mobilisation générale et de mise en garde a été prolongé. Cette mesure, qui permet d’enrôler, parfois de force, les Burkinabè, devait prendre fin ce jeudi (18.04), mais elle a été reconduite pour une durée d’un an.  

La décision vise, selon les autorités militaires au pouvoir, à "consolider les acquis" de la lutte contre le terrorisme.  

Mais un an après, le constat est plutôt négatif : la mobilisation générale divise l’opinion publique burkinabè, notamment parce qu’elle permet les enrôlements forcés qui ont touché un certain nombre d’opposants politiques.  

A ceci s’ajoute la peur des arrestations et des enlèvements. Certaines familles n’ont plus de nouvelles de leurs proches depuis des mois.  

"Acte patriotique" selon le pouvoir 

Alassane Sawadogo, coordonnateur du Front pour la défense de la patrie, le nom de la junte au pouvoir, évoque au contraire une "décision patriotique" qui permet, selon lui, de transmettre "les visions" du chef de l’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré : 

"C’est un acte patriotique que j’apprécie beaucoup. La mobilisation générale a permis au chef de l’Etat et à son gouvernement de pouvoir travailler sans inquiétude. Si vous remarquez, les réquisitions et la suspension des activités politiques et autres, c’est grâce à la mobilisation générale et beaucoup de personnes ont pu y contribuer. Cette mobilisation est une forme de conscientisation du peuple burkinabè, afin d’adhérer aux visions du capitaine Ibrahim Traoré. C’est une nécessité."

Daouda Diallo
Le défenseur des droits humains, Daouda Diallo, avait été enlevé en décembre 2023null Sophie Garcia/AP/picture alliance

Mais pour ce Burkinabè, qui a voulu garder l’anonymat, le décret de mobilisation est perverti par les réquisitions forcées et les arrestations qui l’ont accompagné.  

Selon lui, "les actions qu’ils mènent sur le terrain sont en parfait désaccord avec les termes réels du décret et nous nous posons la question sur l’utilité de ce décret. Des gens ont osé critiquer la mauvaise gestion du pouvoir et ils ont été envoyés au front. C’est pour dire qu’à l’étape actuelle, le décret n’a plus sa raison d’être. L’exécutif prend des textes et fait ce qu’il veut."

Envoyé au front à 70 ans 

L’article 2 du décret, dit de la mobilisation générale et la mise en garde, donne le droit au gouvernement, de "requérir les personnes, les biens et les services (…) à l’emploi de défense, à titre individuel ou collectif". 

Lassané Zoromé, analyste politique, critique pour sa part l’application d’un autre article de ce décret. 

Il dit constater "les irrégularités dans son application par le passé. Au niveau de l’article 5 du décret de la mobilisation, on a dit que sont concernés, par la présente mobilisation générale, les membres des forces de défense et de sécurité, les membres des forces de défense et de sécurité en position non active, les jeunes de 18 ans ou plus, non membres des forces armées nationales, physiquement aptes, appelés à s’enrôler selon les besoins exprimés par les autorités compétentes. Alors, si on fait une interprétation de l’article 5, on se rend compte que ce n’est pas ce qui a été appliqué. On a vu, au nom de ce décret sur la mobilisation générale, des hommes de 70 ans qui ont été réquisitionnés pour aller au front. Ce sont des abus du décret." 

Enfin, l’article 8 de ce décret permet de restreindre, dans certains cas,les libertés publiques. Il confère aussi des possibilités élargies de perquisition à domicile. 

Réforme de la Cédéao : quelles voies pour sortir de la crise ?

Les hésitations ou, à l'inverse, la brutalité des sanctions économiquesde la Cédéao ont montré une organisation régionale mal aimée et trop faible pour résoudre les crises politiques.

Sa dernière mission au Togo, cette semaine, vient renforcer ce sentiment. Le Togo est secoué par une crise politique depuis l'adoption, le 25 mars, d'une nouvelle Constitution qui change l'actuel régime présidentiel en régime parlementaire.

Dans un premier communiqué, la Cédéao parlait d’une mission exploratoire et affirmait que la mission devait aborder "les derniers développements dans le pays avant les élections législatives et régionales du 29 avril 2024 ". En clair, il s’agissait aussi de parler de la nouvelle Constitution controversée. L'opposition affirmant qu'elle permettra au président togolais de se maintenir au pouvoir.

 Dans le second communiqué du 16 avril, l'organisation sous-régionale indique qu’il s’agit finalement d’une mission d'information qui s'inscrit "dans la perspective des élections législatives et régionales".

La Cédéao a donc corrigé en affirmant qu'elle était sur place uniquement pour discuter des élections législatives du 29 avril. Un revirement que certains considèrent comme un aveu de faiblesse.

Un manifestant tenant une pancarte avec l'inscription "A bas la Cédéao"
La Cédéao est devenu une organisation régionale mal aiméenull Florent Vergnes/AFP/Getty Images

L'impact des coups d'Etat

Pendant longtemps, la Cédéao a été considérée comme l'une des organisations régionales la plus développées institutionnellement en Afrique. Mais c'était avant les coups d'Etat militaires au Mali, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée.

Depuis, l'organisation semble manquer d'autorité, de légitimité et d'outils d'intervention efficaces. Les problèmes de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest sont devenus clairement visibles lorsque le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé leur retrait de l'institution, en janvier 2024.

Une réintégration de ces trois pays au sein de la Cédéao est considérée comme très improbable par la plupart des observateurs politiques de la région.

Le politologue nigérien Dicko Abdourahamane se montre par exemple pessimiste quant aux possibilités d'une réintégration des trois Etats, surtout que ceux-ci disposent désormais de leur propre organisation alternative : l'Alliance des Etats du Sahel (AES).

" Si le Niger, le Burkina Faso et le Mali acceptaient de revenir au sein de la Cédéao, c'est comme s'ils tournaient le dos à cette nouvelle orientation politique, à ce nouveau projet politique qu'on appelle l'AES, qui est une alternative à la Cédéao. Ces pays peuvent accepter de revenir, mais au nom de l'AES" explique Dicko Abdourahamane.

 Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani, Ibrahim Traoré
Assimi Goïta, Abdourahamane Tiani et Ibrahim Traoré null Francis Kokoroko/REUTERS; ORTN - Télé Sahel/AFP/Getty; Mikhail Metzel/TASS/picture alliance

Réformer pour survivre

Outre le retrait des pays sahéliens, le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, élu en mars, a émis des souhaits de "changements radicaux au sein de la Cédéao" et n'exclut pas non plus d'abandonner le franc CFA .

Dans ce contexte incertain, selon l'éditorialiste sénégalais Hamidou Sagna, la survie de la Cédéao ne sera possible qu'à certaines conditions.

Selon lui "si on met en avant d'abord le concept de démocratie et ensuite le concept d'économie, si on parvient à réaliser ce lien cohérent, alors, il est possible d'envisager une Cédéao réformée et solide au service des Etats et des populations.

"La Cédéao n'aura d'avenir que si ses pays membres réfléchissent à l'esprit du panafricanisme et s'unissent", estime pour sa part Carlos Pereira, analyste politique et activiste en Guinée-Bissau. Selon lui, la coopération et l'intégration sont plus que jamais importantedans la région.

Au Mali, l’opposition ne décolère pas

Officiellement, la transition était censée prendre fin le 26 mars dernier avec l'organisation d'une présidentielle, mais les autorités maliennes mettent en avant le rétablissement de la sécurité avant d'aller aux élections.

"Le recouvrement de l'intégrité du territoire national et de la souveraineté et les résultats du travail du comité de pilotage du dialogue inter-malien constituent les deux chantiers qui précéderont la fixation de la date de la tenue des élections", a déclaré le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga.

Le Premier ministre a tenu ces propos le 11 avril au lendemain de la suspension par décret présidentiel, et ce, jusqu'à nouvel ordre des organisations à caractère politique. Des propos ont permis de clarifier la position du gouvernement par rapport au retour à l'ordre constitutionnel au Mali.

Priorité à la sécurité

Selon Fousseyni Ouattara, vice-président de la commission défense et sécurité du Conseil national de transition, la fin de la transition a été déterminée dans les recommandations des assises nationales de la refondation tenues en décembre 2021 à Bamako.

Le colonel Assimi Goïta, chef de la transition au Mali
Le colonel Assimi Goïta a pris le pouvoir en renversant le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020. Il a opéré une réorientation stratégique en se tournant militairement et politiquement vers la Russie.null Alexander Ryumin/TASS Host Photo Agency via REUTERS

"C'est-à-dire de 6 mois à 5 ans. Tout va dépendre de l'objectif des atteintes dont nous avons parlé. À savoir, la stabilité du secteur de la sécurité, la stabilité sociale et la stabilité économique. Ce sont des chantiers en phase de réalisation et cela ne doit pas aller au-delà des 5 ans définis par les ANR (Assises nationales de la refondation)", a expliqué Fousseyni Ouattara.

Les arguments des autorités sont rejetés par la majorité des partis politiques et des organisations de la société civile.

Pour Sekou Niamey Bathily de l'ex parti au pouvoir, le RPM (Rassemblement pour le Mali), les arguments mis en avant par les autorités de la transition sont, je cite, « une manière subtile » pour ne pas organiser les élections.

Des élections incertaines

"La Russie vient d'organiser ses élections présidentielles qui ont vu la réélection de Vladimir Poutine pendant que le pays est en guerre contre l'Ukraine. Et là, c'est une guerre conventionnelle. La Russie peut, si elle le veut, la programmer à la fin de la guerre. Chez nous, on ne sait même pas quand est-ce que l'instabilité va finir", a déclaré la secrétaire à l'information et à la communication du RPM.

Pour Sekou Niamey Bathily, lier l'organisation des élections à la fin de l'insécurité est une fuite en avant. "C'est une façon de dire au peuple, nous allons confisquer le pouvoir et nous allons rester au pouvoir éternellement. Nous ne sommes pas dans un royaume et je déplore ce genre de discours. Je rappelle les dirigeants actuels à leur engagement pris devant la communauté nationale et internationale", a-t-il souligné.

Dans deux communiqués différents publiés le 31 mars dernier, plus de 80 partis politiques et organisations de la société civile avaient réclamé l'organisation dans les meilleurs délais d'une élection présidentielle et la fin de la transition.

 

 

 

La Cédéao au chevet du Togo

Dans un communiqué publié ce 16 avril, la Cédéao précise que sa mission, conduite par Maman Sambo Sidikou, ancien Représentant de l'Union africaine au Mali et au Sahel, "entreprendra une évaluation préélectorale conformément aux textes communautaires et ne s'engagera dans aucun processus". Une précision qui découle d'un communiqué précédemment publié et qui a été retiré. Dans ce communiqué antérieur, il est indiqué un lien entre le travail de la mission et le débat autour d'un projet de réforme constitutionnelle au Togo. 

La mission rencontrera les principales parties prenantes au processus électoral, explique la Cédéao dans son nouveau communiqué.

"Un coup d'Etat constitutionnel est pire qu'un coup d'Etat militaire" (Jean Kissi)

Cette visite intervient dans un contexte politique tendu. En effet, la réforme constitutionnelle censée transformer le régime présidentiel du pays en un régime parlementaire, permettrait, selon l'opposition, au chef de l’Etat togolais Faure Gnassingbe, de se maintenir au pouvoir.

Apaiser la tension

Pour Paul Amegakpo, président de l'Institut Tamberma pour la gouvernance, cette mission viserait à apaiser la tension politique actuelle.

"La mission de la Cédéao serait une mission de bons offices pour faire en sorte que les controverses qui entourent le changement constitutionnel en cours trouvent une solution concertée. D'autre part, pour que la tension politique puisse s'abaisser, en sachant que la Cédéao n'a pas prévu jusqu'ici une mission d'observation pour superviser les prochaines élections législatives et régionales."

Paul Amegakpo insiste sur le fait que les relations entre la Cédéao et le Togo sont néanmoins tendues, dans la mesure où le Togo a adopté une position divergente par rapport à celle adoptée par la Cédéao lors des putschs militaires dans le Sahel.

Mais Credo Adje Tetteh, journaliste et analyste politique, conteste tout litige entre le Togo et la Cédéao.

"Les relations sont au beau fixe. Il peut arriver que les conclusions au sommet des chefs d'Etat de la Cédéao n'indiquent pas toutes les opinions. Le Togo entretient toujours de très bonnes relations avec la Cédéao et la présence même de cette mission d'information justifie de l'état des relations entre le Togo et la Cédéao" , précise le journaliste à la Deutsche Welle.

Une occasion pour la Cédéao

Pour Jean Kissi, conseiller municipal et candidat aux élections législatives et régionales, cette visite pourrait être l’occasion pour la Cédéao de répondre aux critiques à travers lesquelles elle est accusée de ne réagir que face aux putschs. Mais, il en doute encore.

"Un coup d'Etat constitutionnel est pire qu'un coup d'Etat militaire. Dans les autres pays où il y a eu un coup d'Etat, les délégations de la Cédéao étaient des délégations de haut niveau conduites par un chef d'Etat. Mais ici, on a vu que cette délégation n'est pas mise à ce niveau-là. On se demande quelle est l'intention réelle de la Cédéao. Je crois qu'il y a un travail à faire parce que si la Cédéao veut agir, telle qu'elle le fait dans les autres pays, c'est ici qu'elle doit commencer à démontrer qu'un coup d'Etat, quel qu'il soit, est à condamner," souligne le conseiller municipal.

La mission de la Cédéao est composée de sept membres et s'étend du 15 au 20 avril.

Cet article a été complété ce 17 avril par DW Afrique.

Mali : le dialogue risque inter-Maliens, une coquille vide ?

La ville de Bamako a abrité six sites comptant chacun une centaine de participants enregistrés.

Après trois jours de travaux, les intervenants, jeunes ou vieux, ont formulé des recommandations autour des cinq thèmes centraux retenus comme articulations à ce dialogue qui vise à recoudre le tissu social malien.

Mais beaucoup au sein de la classe politique et des groupes armés dénoncent le manque d'ouverture des discussions qui viennent de débuter dans le pays.

Des partis politiques absents

Visite sur le site de la commune II du district de Bamako. Une salle comble avec des participants studieux. Ils discutent de la dernière touche à apporter aux recommandations finales. 

Les thèmes sur lesquels ils ont discuté ces derniers jours se rapportent à la paix et à la réconciliation nationale, à la défense et à la sécurité, à l'économie et au développement, à la géopolitique et à l'environnement international ainsi qu'aux questions politiques et institutionnelles.

Mohamed Traoré, dit Bill, est membre du mouvement "Résistance citoyenne". A la DW, il affirme qu'Il aurait souhaité que les partis politiques participent aux discussions. Mais finalement, les participants s'en sont passé dans la salle.

"Les gens ont répondu massivement à cette assise. Les participants viennent de la société civile, les légitimités traditionnelles sont là, les personnes ressources qui n'appartiennent ni aux partis politiques, ni aux associations" explique Mohamed Traoré.

Selon lui "certains sont venus individuellement et volontairement". Il précise par ailleurs que "ce sont les mêmes personnes" qui devraient être mobilisés par les partis politiques. "On n'a vraiment pas senti l'absence de la classe politique" assure-t-il.

Ecoutez les explications de Mahamadou Kane

Apporter sa pierre à l'édifice

Souleymane Coulibaly, chef de quartier "TSF", en commune II, invite de son côté, les partis politiques à prendre le " train du dialogue en marche".

"Le Mali ne peut être construit que par nous, Maliens. Avant d'être parti politique, tu es Malien. Il faut venir, ce que tu as dans ton cœur, viens le dévoiler. Nous sommes en règle ici, c'est la démocratie", assure Souleymane Coulibaly.

A la fin de leurs discussions, les participants ont recommandé l'instauration d'une police de proximité en commune II ou encore réclamé une collaboration plus fructueuse entre la population et les forces de défense et de sécurité.

Cissé Kadidia Haidara, une autre participante, met l'accent pour sa part sur la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Elle suggère par ailleurs la réduction du train de vie de l'Etat et une contribution citoyenne pour soutenir l'effort de guerre.

"Que tu sois fonctionnaire ou pas, qui que tu sois, chaque Malien où qu'il se trouve doit apporter sa pierre à l'édifice. Une façon de venir en aide à notre armée dans sa lutte contre le terrorisme. Nous sommes en partie responsables de la crise que nous traversons actuellement. Nous devons nous pardonner, nous accepter, nous devons être unis afin que notre pays sorte grandi de cette crise", explique-t-elle.

Le dialogue intermalien a entre autres pour objectifs d'identifier les sources des crises du pays, de prévenir et gérer les conflits en valorisant des mécanismes de gestion qui émanent du Mali, pour surmonter les crises puis consolider la paix.

Issa Kaou Ndjim : le régime malien "terrorise ses opposants"

Issa Kaou Ndjim a été l'un des vice-présidents du Conseil national de transition, le CNT, au Mali. A ce titre, il a compté parmi les soutiens d'Assimi Goita, en 2020.  

Mais depuis, Issa Kaou Ndjim a pris ses distances avec les autorités de transition. Il est même devenu l'un de leurs fervents contradicteurs. 

L'année dernière, il a ainsi initié l'"Appel du 20 février pour sauver le Mali", une nouvelle plateforme d'opposition à la junte, dont le lancement a été perturbée par des personnes venues saccager la Maison de la presse où se tenait la conférence de presse. 

Fin mars 2024, Issa Kaou Ndjim a signé, en tant que président du parti ACRT Faso Ka Wele et aux côtés d'autres responsables politiques, un appel en faveur de l'organisation rapide de l'élection présidentielle. 

Dimanche (14.04), à l'aéroport de Bamako, Issa Kaou Ndjim s'est vu refuser l'embarquement à bord d'un avion qui devait l'emmener à Paris. Interrogé par la DW, il y voit une nouvelle manifestation de la répression contre les voix critiques vis-à-vis de la junte militaire. Voici son interview : 

Issa Kaou Ndjim : "Hier, le 14 avril, j'avais un vol pour Paris.  Je suis arrivé à l‘aéroport, j'ai fait les premières formalités et quand je devais aller à la salle d'embarquement, une personne qui s'est présenté comme commissaire de police de l’aéroport, m’a dit qu'il avait eu des instructions pour que je ne puisse pas prendre le vol. J'ai demandé quelles en étaient les raisons. Il m’a dit que cela venait du sommet de l'Etat, qu’il n’avait pas d'autres explications à me donner. J’ai pris acte. Mais cette situation aujourd'hui est pesante parce que nous avons été interdits de faire des activités politiques, les regroupements à caractère politiques.  

J'avais décidé d'aller me reposer à Paris, de continuer vers les Etats-Unis, pour essayer de voir d'autres perspectives…. J'avais même décidé de suspendre des activités politiques parce qu'aujourd'hui le Mali est en train de basculer vers un régime militaire pur et dur.  

Si, aujourd'hui, nous ne pouvons pas mener d'activités politiques, nous sommes réduits au silence, et quand nous voulons voyager, on nous en empêche sans raison, ni administrative, ni judiciaire. 

Je pense que c'est très inquiétant pour le Mali, et c'est vraiment de l’abus qui nous est imposé en tant que chef de parti politique." 

 

Issa Kaou Ndjim explique à la DW également sa défiance vis-à-vis du "dialogue national" initié par les autorités de transition.  

Issa Kaou Ndjim : "La politique de dialogue en cours, nous, nous avons décidé de la boycotter parce qu'on est nous-même déclassés de fait : on a suspendu nos partis politiques et regroupements des manifestations. On ne peut pas dire ce que nous voulons. Ce qui s’est imposé aujourd'hui, c'est vraiment le monologue. 

Et puis, ils nous ont imposé leur propre tempo, ils ne veulent pas des voix dissonantes, ils ne veulent pas de contradictions. Nous ne croyons pas en ce dialogue, parce que ce dialogue est tout simplement là pour donner un semblant de nouvelle légitimité au régime de fait qui est en train de terroriser ses opposants que nous sommes.  

Nous pensons que c'est juste de la diversion. Nous pensons que, vraiment, c'est du temps perdu. Ce qui est important aujourd'hui, c'est le retour à l’ordre constitutionnel, c'est de véritables élections qui sont des questions qui intéressent la vie de la nation."

Mali : des partis politiques boycottent le dialogue inter-malien

La phase des concertations communales du dialogue inter-malien prend fin ce lundi (15-04). Cette initiative des autorités de la transition visant à favoriser une appropriation nationale du processus de paix et de réconciliation nationale se tient dans un contexte marqué par le boycott des regroupements politiques et des organisations de la société civile du pays. Quelques jours avant l’ouverture des travaux de ce dialogue, le gouvernement avait ordonné la suspension des activités de ceux-ci sur l’ensemble du territoire

En plus de la plupart des partis politiques et des organisations de la société civile, les rebelles du CSP, le cadre stratégique permanent ainsi que les chefs des groupes djihadistes comme Iyad Ag Ghaly ou encore Amadou Kouffa ne prennent part à ce dialogue inter-malien.

Colonel Assimi Goita
Le chef de la junte Assimi Goïta a mis fin à l’accord d’Alger, privilégiant un dialogue intra-Maliens.null OUSMANE MAKAVELI/AFP/Getty Images

L'URD, l'Union pour la République et la Démocratie de l’opposant Soumaila Cissé est l’un des rares grands partis politiques qui participent à ces concertations. 

Pour Abdrahamane Diarra, président de la jeunesse URD, ce choix se justifie "parce qu’à l’URD, nous croyons profondément que c’est à travers le dialogue, quand les Maliens se retrouvent, se parlent et surtout s’écoutent, qu’ils pourront trouver des solutions à la fois adaptées et durables voire pérennes aux différentes crises qui secouent le pays et qui menacent dangereusement le quotidien des populations."

"Ce sont les autorités qui ont boycotté le dialogue"

Selon Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti Yelema, qui ne prend pas part aux activités, ce ne sont pas les partis politiques et les organisations de la société civile qui ont boycotté le dialogue inter-malien.

"Ce sont les autorités elles-mêmes qui ont boycotté le dialogue qu’elles sont en train d’organiser", affirme Hamidou Doumbia. 

"Au moment où vous voulez, si c’est sincère, faire un dialogue inter-malien qui va prôner la paix, qui va travailler à réconcilier les cœurs, qu’au même moment, vous mettez de côté une partie de la population, des acteurs majeurs de la vie de la nation. Cela n’est pas cohérent, et cela témoigne véritablement que les autorités ne veulent pas la paix", conclut le secrétaire politique du parti Yelema

Les explications de Mahamadou Kane

Moctar Sy du mouvement "Génération Engagée" estime pour sa part que les autorités doivent revenir sur leur décision relative à la suspension des activités des partis politiques et des associations à caractère politique. Il estime que "le dialogue doit se tenir dans un état d’esprit de cohésion et de fraternité entre les Maliens."

Moctar Sy poursuit : "Je ne suis pas certain que ça va bien se tenir si certains Maliens se sentent écartés ou se sentent privés de leurs droits par rapport à d’autres. Je crois qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur tous les acteurs politiques, car tous les acteurs ne sont pas responsables des maux du Mali."

Après la phase communale, ce sera au tour des régions et du district de Bamako d’accueillir le dialogue inter-malien. Les ambassades et consulats ouvriront aussi leurs portes pour des discussions directes entre Maliens avant la phase nationale prévue début mai.

Le Niger renforce sa coopération militaire avec la Russie

C'est à bord d'un Iliouchine-76, un avion de transport militaire, que le matériel est arrivé à Niamey. Egalement du voyage, des instructeurs russes de l'Africa Corps, présenté comme le successeur du groupe paramilitaire Wagner.

Selon la télévision publique nigérienne Télé Sahel, le matériel militaire réceptionné serait un système de défense anti-aérien capable d'assurer la surveillance totale de l'espace aérien du Niger. Mais aucune autre information n'a été livrée jusque-là en plus.

Pour former l'armée nigérienne à utiliser ce matériel, une centaine de militaires russes sont donc arrivés au Niger.

Pour Abdoulaye Seydou, le coordinateur du Mouvement M62, qui est opposé à la présence de bases militaires étrangères au Niger, il est important que le renforcement de la coopération militaire avec Moscou se fasse en toute transparence et dans le respect de la souveraineté.

"L'arrivée d'instructeurs russes n'est pas en soit un problème puisqu'il s'agit de former nos FDS (forces de défense et de sécurité) autour du matériel acquis et de sa mise en place. Là où il pourrait y avoir un problème, ce serait par rapport à l'implantation définitive d'une base militaire russe", estime-t-il.

Des manifestants protestant contre la présence d'une base aérienne française au Niger
De nombreux Nigériens sont contre la présence de bases militaires étrangères au Nigernull Balima Boureima/AA/picture alliance

"Un paradoxe"

Ce samedi 13 avril, une manifestation est prévue pour demander le départ des forces américaines du pays. Certains s'interrogent donc sur l'arrivée d'autres soldats étrangers.

Pour Souley Oumarou, président du Forum citoyen pour la République, ce renforcement de la coopération militaire avec Moscou, alors que Niamey a tourné le dos à d'autres partenaires occidentaux, est curieux et paradoxal.

Selon lui "ces forces russes ne sont pas là pour le peuple nigérien" dont la majorité ne souhaite plus de présence militaire étrangère. Pour Souley Oumarou renforcer la coopération militaire avec Moscou pourrait juste n'être que le résultat du "désir du pouvoir en place de se sécuriser d'abord, et cela pourrait aussi être une autre source d'inquiétude".

Ibrahim Namaiwa, vice-président de la fédération Niger Uni, ne voit en revanche aucune raison de s'inquiéter et encore moins un paradoxe dans cette coopération russo-nigérienne.

"C'est tout à fait normal que nous cherchions des partenaires efficaces, la Russie fait partie de ces partenaires, c'est un choix assumé", assure-t-il.

Un manifestant pro-Russie avec une pancarte
Pour certains Nigériens il est tout à fait normal que le pays choisisse ses partenairesnull Sam Mednick/AP/picture alliance

La quête de la sécurité

Outre le Niger, la Russie s'est aussi rapprochée militairement d'autres pays du Sahel comme le Mali ou encore le Burkina Faso. En janvier, Africa Corps avait indiqué sur Telegram l'envoi d'unités au Burkina Faso.

Selon Seidick Abba, analyste et spécialiste des questions sécuritaires, la coopération militaire entre les pays de l'Alliance des Etats du Sahel et la Russie pourrait encore se renforcer davantage, en raison notamment de la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel.

"Les pays vont penser que compte tenu de l'aggravation, il faut renforcer la coopération avec la Russie, acquérir davantage de matériel", explique-t-il avant de préciser que "chaque fois qu'on parle d'accroître la coopération, cela veut dire acquisition de matériel, mais cela veut dire augmentation d'effectifs aussi".

Comme au Niger, la livraison de matériel militaire au Burkina Faso s'est faite avec le déplacement d'instructeurs chargés de la formation de l'armée burkinabè.

Mali : les médias dans le viseur des autorités de transition

Au Mali, c’est une période de confrontation qui s’ouvre désormais entre d’un côté, une grande partie de la classe politique et de l’autre, la junte militaire à la tête du pays. Mais cette tension existe aussi entre les médias et la Haute autorité de la communication, la HAC.  

Ces dernières heures ont ainsi été marquées par une guerre de communication entre les différents camps. Après la suspension des activités des partis politiques par le gouvernement, c’est autour de la presse de se voir interdire la diffusion et la publication d’articles sur les activités politiques. Une mesure rejetée par la Maison de la presse.  

La Maison de la presse dit "rejeter purement et simplement le communiqué sans fondement juridique de la HAC", avant d’appeler l’ensemble de la presse malienne à ne pas se soumettre aux injonctions de la HAC.  

L’organisation faitière des organes de presse indique par ailleurs se réserver le droit de mener toute action pour le respect de la liberté de la presse au Mali, précise le communiqué.

La presse veut rester indépendante 

Selon Ammy Baba Cissé, de l’Union des radios et télévisions libres du Mali, la presse ne va pas pour autant se joindre au combat des partis politiques d’opposition. 

Pour lui, "il est vrai que les partis politiques sont un pan de la démocratie, comme la presse, les syndicats et les autres. Il y a des luttes qui peuvent être communes. Mais dans ce cas de figure, nous avons réagi parce que la HAC a spécifiquement adressé un communiqué aux organes de presse. Maintenant, si des circonstances doivent faire en sorte que les partis politiques et la presse doivent se donner la main, pourquoi pas. Nous sommes après-tout des partenaires. Mais il est hors de question pour nous de faire le combat des partis politiques à leur place".    

Jeudi (12.04) le Premier ministre de transition, Choguel Kokalla Maïga, a levé toute ambiguïté en affirmant qu’il n’y aura pas d’élection au Mali tant que la situation sécuritaire restera incertaine. 

Il assure que "le gouvernement a décidé que la phase de stabilisation après l’élaboration de la stratégie et la mise en œuvre de recouvrement de l’intégrité territoriale de notre pays et de la souveraineté, que la phase de stabilisation doit atteindre un point de non-retour, un point de stabilisation avant de pouvoir organiser des élections". 

Pour un retour à l’ordre constitutionnel 

Mais la Coalition des partis, un regroupement de partis et organisations de la société civile a réaffirmé sa détermination à œuvrer pour le retour à l’ordre constitutionnel. 

Celle-ci compte par ailleurs se tourner vers des juridictions compétentes afin de faire annuler la suspension qui les frappe.  Sidi Touré, chargé de communication du Parena de Tiebilé Dramé, ancien chef de la diplomatie malienne, affirme que "nous allons utiliser tous les moyens légaux que nous confère la Constitution afin que nos droits puissent être respectés. La suspension des activités des partis politiques par le ministre de l’Administration territoriale est une violation de la Constitution et de la Charte de la transition".  

Depuis la fin de la transition militaire, le 26 mars dernier, la société civile et la classe politique se sont mobilisées pour réclamer une transition civile et le retour à l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais.    

Bring Back Our Girls, 10 ans après les enlèvements de Chibok

Cette nuit-là, les 276 écolières kidnappées, pour la plupart âgées de 16 à 18 ans, ont été conduites de force  de Chibock(dans le nord du Nigeria, une ville à majorité musulmane) vers la forêt où les attendaient des camions. Avant de s’enfuir, les assaillants ont aussi pris le soin de brûler les bâtiments qui abritaient leur école.

Quelques heures après leur enlèvement, 57 de ces filles ont toutefois réussi à s'échapper.

Certaines se sont cachées dans les buissons, d'autres ont pu s’enfuir alors qu'elles traversaient la forêt de Sambisa, devenue le bastion où se cachent les combattants de Boko Haram.

L'une des filles qui a réussi à s'échapper a raconté à Human Rights Watch les propos tenus par un des combattants de Boko Haram. 

Celui-ci leur aurait déclaré : "Quel genre de connaissance recherchez-vous ici [à l'école] ? Puisque vous êtes ici pour rechercher une éducation occidentale, nous sommes ici. Pour y faire face et vous enseigner les voies de l'Islam".

Fermeture des écoles

Peu avant l'enlèvement de ces centaines de jeunes filles, le groupe Boko Haram avait déjà fait parler de lui en provoquant la fermeture d'écoles dans la région, notamment le lycée pour filles de Chibok, en mars 2014. 

La plupart des filles détenues par Boko Haram ont été ensuite contraintes de se convertir à l’islam, si elles étaient chrétiennes, ou d’épouser leurs ravisseurs.

 Des enfants déplacés par Boko Haram
Des enfants déplacés par Boko Haram lors d'une attaque contre leurs villages reçoivent des cours dans une école de Maidugurinull Sunday Alamba/AP Photo/picture alliance

Certaines se sont mariées plusieurs fois, lorsque leur mari était tué dans des affrontements.

En juillet 2009, Boko Haram avait conduit sa première action avec le soulèvement de Maiduguri, la capitale de l'Etat de Borno. L’objectif était de créer un califat islamique dans cette partie du pays. 

L'insurrection a par la suite été réprimée par l'armée nigériane qui a tué son fondateur, Mohamed Yusuf.

Boko Haram signifie, en langue Haoussa, "l'éducation occidentale est interdite".

"Même dans l'Afrique précoloniale, il y avait de l'opposition"

Au Mali, plusieurs associations de la société civile ont déjà été dissoutes par les militaires au pouvoir. Des personnalités jugées trop critiques ont également eu des démêlés avec la justice depuis les coups d'Etat de 2020 et 2021. 

Mais le chef de la transition, Assimi Goïta, a franchi un nouveau cap : il a suspendu les activités à caractère politique des associations et des partis d'opposition. L'argument avancé par le pouvoir en place est que ces structures nuiraient au "dialogue national" engagé par la junte depuis fin décembre 2023, en lançant des actions de "subversion".

Les militaires n'ont, semble-t-il, pas apprécié que plusieurs partis et associations leur reprochent de ne pas avoir tenu leurs engagements et de ne pas avoir respecté la date du 26 mars, délai fixé pour la restitution du pouvoir aux civils.

Interview avec Mohamed Amara sur l'opposition au Mali

Répression des voix critiques envers les militaires

Plusieurs partis et organisations de la société civile malienne ont regretté, fin mars, le "vide juridique et institutionnel" laissé par les militaires qui ont repoussé l'élection présidentielle. La junte s'était engagée à respecter le délai du 26 mars dans un décret présidentiel, signé de la main d’Assimi Goïta en 2022, qui fixait cette date comme le jour de fin de la transition militaire qui annoncerait le retour du pouvoir aux civils.
Sauf que depuis cette date, "la transition continue", comme l’a déclaré mercredi [10.04.24] le porte-parole du gouvernement, le colonel Maïga.

Ce n’est pas la première fois que les militaires au pouvoir à Bamako s’en prennent aux voix critiques.

Rien que ces derniers mois, quatre associations de la société civile, parmi lesquelles l’Association des Élèves et Étudiants du Mali (AEEM) ont été dissoutes sous couvert de "troubles à l’ordre public". Leur point commun est d’avoir appelé à la tenue prochaine d’élections libres.

En février 2023, des casseurs étaient venus empêcher une réunion de l’ "Appel du 20 février pour sauver le Mali" à la Maison de la presse de Bamako. Ce regroupement critiquait la tenue du référendum constitutionnel prévu par la junte. 

Début mars 2024, Aguibou Bouaré, le président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), faisait part de ses préoccupations "face aux menaces sérieuses pesant sur l’exercice de certains droits civiques et politiques, notamment la liberté d’association".

Pourquoi l’opposition est-elle nécessaire ?

D’un point de vue philosophique, l’opposition n’est pas seulement la différence – ce qui n’est pas moi – c’est un obstacle qu’on rencontre lorsqu'on est en mouvement. C’est une résistance à laquelle on se heurte, une adversité.

L’opposition est donc la preuve d’un mouvement, d’une progression. Elle révèle une vérité, l’être d’une force… et ses limites. 

Dans un Etat, l’opposition participe au bon fonctionnement des institutions. Du Parlement, par exemple, qui lui-même a vocation à veiller à ce que le gouvernement agisse dans le respect des lois.

Par ailleurs, l’opposition est aussi force de proposition, elle formule des alternatives et incite au débat contradictoire pour "éviter la pensée unique", comme l'explique le sociologue malien Mohamed Amara.

En théorie, tout régime démocratique implique de tolérer l’expression d’une contradiction et il profite même de ce regard extérieur pour aller de l'avant.

Ecoutez ci-dessus l'interview avec Mohamed Amara

Mohamed Amara enseigne au Centre Max Weber de l'Université Lyon 2 et à l'Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako. Il est l'auteur du livre "Marchands d’Angoisse, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être", paru aux Editions Grandvaux, en 2019​

Les militaires suspendent les activités des partis politiques au Mali

La décision a été prise mercredi, (10.04.2024), lors du Conseil des ministres. Le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’administration territoriale et porte-parole du gouvernement, a justifié cette mesure par la lutte contre le terrorisme qui ne peut être entravée par, je cite "des débats politiques stériles". 

Le débat autour de la fin de la transition militaire, le 26 mars dernier, avait donné lieu à des déclarations de près d’une centaine de partis politiques et des organisations de la société civile, appelant à l’instauration d’une transition civile d’ici la fin de l’année 2024. 

Ces organisations avaient mis en place un comité de suivi en vue d’une meilleure coordination de leurs activités, qui devait débuter avec la fin du mois de ramadan. 

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga le 30 juin 2021 devant le parlement de transition
La transition malienne devait prendre fin officiellement le 26 mars 2024null Mahamadou Kane/DW

La lutte contre le terrorisme 

Le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’administration territoriale et porte-parole du gouvernement, a pris les devants en évoquant, dès le lendemain de la fête de l’Aïd, des arguments sécuritaires pour couvrir la mesure de suspension des partis politiques :

"La prise de Kidal et d’autres localités ne signifie pas la fin du terrorisme. Le terrorisme est une menace asymétrique. Bien entendu, nos ennemis et nos adversaires qui sont en face, s’adaptent et commencent à avoir un nouveau mode opératoire. Dans cette circonstance, on ne peut pas accepter que des débats politiques stériles nous ramènent d’où nous venons. C'est-à-dire dans une situation très compliquée. Nous sommes obligés d’aller de l’avant. C’est vrai que quelque part, un des objectifs du dialogue inter-malien est de recoudre le tissu social qui a été fortement ébranlé". 

L'ancien Premier ministre Moussa Mara le 21 janvier 2022 aux obseques nationales d'Ibrahim Boubacar Keita
Les partis politiques sont accusés de "subversion"null Nicolas Remene/Le Pictorium/dpa/picture alliance

"Ça nous inquiète"

La plupart des associations maliennes estiment avoir été surprises par cette décision. C’est le cas de la plateforme Benberé Mali. Le responsable de cette institution qui regroupe des jeunes blogueurs, présage de lendemains incertains.  

"Ça nous inquiète en tant que représentant des associations qui mènent des activités. Parce qu’on se dit qu’après les partis politiques, ce sera le tour de nos associations. Du coup, nous sommes inquiets et ça marque un recul de la liberté d’expression et d’association. Vous savez qu’on vient de promulguer une nouvelle Constitution en juin 2023. Et dans cette Constitution, les autorités ont repris avec vigueur l’attachement du Mali aux valeurs républicaines. Nous estimons donc que les autorités doivent revenir sur leur décision", estime le responsable de Benberé Mali.

Ce jeudi, la Haute autorité de la communication a par ailleurs invité tous les médias à cesser toute diffusion et publication sur les activités des partis politiques et les activités politiques des associations.

Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme s'est dit "profondément préoccupé" par la suspension. Le décret "doit être immédiatement abrogé", a-t-il dit sur le réseau social X.

Le président du parti Convergence pour le développement du Mali (Codem), Housseini Amion Guindo, a appelé à la "désobéissance civile jusqu'à la chute du régime illégal et illégitime en raison notamment de son incapacité à satisfaire les besoins essentiels des Maliens".

Mohamed Chérif Koné, magistrat entré en rébellion contre la junte et radié, a lui aussi appelé à la désobéissance civile. "Hors de question de laisser la dictature prospérer", a-t-il écrit. Le gouvernement est "disqualifié" pour parler au nom du Mali depuis le 26 mars 2024, a-t-il dit.

L'école à Chibok dix ans après l'enlèvement des lycéennes

Le 14 avril 2014, près de 300 élèves, toutes des filles, étaient enlevées de force au sein de l'école qu'elles fréquentaient à Chibok, dans l'Etat de Borno, au Nigeria.

Un grand nombre de ces lycéennes enlevées se sont échappées, d'autres ont été libérées après des négociations. Mais dix ans après, on est toujours sans nouvelles d'une centaine de ces lycéennes restées en captivité.

L'école secondaire, détruite par les insurgés, a depuis été rénovée pour offrir un enseignement mixte.

Retour sur ce drame national qui a pris une ampleur mondiale avec le mouvement "BringBackOurGirls" et le point sur la vie au sein de l'école à présent.

Des manifestantes brandissent une pancarte portant l'inscription BringBackOurGirls
L'enlévement des filles de Chibok a été à l'origine du mouvement BringBackOurGirlsnull Sunday Alamba/AP Photo/picture alliance

Une rénovation et plus de sécurité

Le 14 avril 2014, les insurgés de Boko Haram effectuent dans la nuit un raid sur la ville de Chibok. Le lycée de la ville ne sera pas épargné. Ils incendient l'établissement et enlèvent 276 écolières qui s'y trouvent pour leur examen de fin d'études.

Au total, 164 lycéennes parviendront à s'évader ou à être relâchées. Mais dix ans après, on est toujours sans nouvelles de plus d'une centaine de ces filles.

L'école, qui a été incendiée lors de l'attaque par les terroristes de Boko Haram, a rouvert en 2021 après avoir été rénovée et s'appelle désormais " Ecole secondaire gouvernementale " car elle accueille des garçons et des filles.

Elle dispose de nouvelles salles de classe, d'une bibliothèque et d'un laboratoire, d'un centre informatique, d'une clinique, de logements pour le personnel et est maintenant protégée par un mur de béton et des barbelés.

La vie est redevenue presque normale dans la communauté de Chibok et à l'école, où des centaines d'élèves ont été inscrits dans un contexte de sécurité renforcée.

Malam Muhammad Bukar Chiroma, le directeur de l'école secondaire gouvernementale de Chibok, se veut confiant.

" L'école a repris ses cours en 2021, donc actuellement l'école mène ses activités académiques. Après l'incident, la plupart des parents ont transféré leurs enfants dans d'autres écoles de l'Etat voisin d'Adamawa. Mais avec la nouvelle atmosphère actuelle, presque chaque semaine, nous recevons de nouveaux élèves qui reviennent à l'école", explique-t-il.

Mais, il assure que désormais il y a "vraiment une sécurité renforcée". Selon le directeur " un mur entoure l'ensemble des locaux de l'école. Bien que l'école soit très grande, les locaux sont sous la surveillance des militaires 24 heures sur 24".

Un soldat montant la garde
En dépit de la présence des soldats, des attaques sont toujours signaléesnull FLORIAN PLAUCHEUR/AFP

L'espoir en dépit de tout

La reconstruction et la rénovation de l'école ont ravivé l'espoir chez les habitants de Chibok, chez les élèves et leurs parents.

"La seule chose est que nous plaiderons toujours pour que le gouvernement soit réaliste dans tout ce qu'il fait, en particulier en ce qui concerne le programme de la sécurité dans les écoles qui a été lancé il y a quelques années, mais qui n'a pas été parfaitement mis en œuvre", assure Ayuba Alamson porte-parole des parents des écolières de Chibok qui ont été enlevées.

Happy Adamu qui fréquente cette école assure pour sa part que les conditions sont désormais réunies pour une bonne scolarité.

"Nous avons des salles de classe adéquates, suffisamment d'enseignants, il n'y a aucun problème de sécurité dans l'école", précise l'élève.

Si les conditions semblent s'être améliorées pour les élèves de Chibok, certains estiment toutefois que le matériel scolaire reste insuffisant. Par ailleurs, la région de Chibok vit toujours sous la menace des attaques et des enlèvements.

Il y a quelques semaines, le Nigeria a connu deux nouveaux enlèvements de masse : l'un dans l'Etat du Borno, où se situe Chibok, où une centaine de personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été enlevés, et l'autre dans l'Etat de Kaduna, dans le nord-ouest du pays, où plus de 130 enfants ont été kidnappés au sein de leur école avant d'être remis en liberté.

Sénégal : les nouvelles autorités veulent faire l’état des lieux de l’économie

Flambée des prix et taux de chômage galopant, l’économie sénégalaise est dominée à plus de 70% par le secteur informel. Ses indicateurs ne sont pas au vert. Ils ne l’ont jamais été, regrette Mor Gassama, économiste, enseignant chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

"Depuis le lancement du Plan Sénégal Emergent PSE, le Sénégal a l’habitude d’enregistrer un taux de croissance élevé, si on enlève la parenthèse Covid-19. Malheureusement, ce fort taux de croissance ne reflète pas le niveau de vie de la population, et au même moment, on constate aussi que la pauvreté ne recule que très faiblement. C’est pourquoi on l’a qualifié d’être la croissance extravertie. Donc pour ce nouveau gouvernement, moi je pense que les efforts devraient être concentrés sur les secteurs de croissance inclusive’’, estime Mor Gassama.

Miser sur l'agriculture

Pour sa part, l’économiste Souleymane Kéita, enseignant chercheur au laboratoire d’économie appliquée de la faculté des sciences économiques et de gestion (FASEG) à Cheikh Anta Diop affirme que, "le secteur qui est prêt à absorber le taux de chômage aujourd’hui, c’est l’agriculture, l’agroalimentaire et l’industrialisation de l’économie sénégalaise. Et éventuellement le secteur de la pêche qui peut aussi jouer un rôle important dans la relance de la croissance économique.’’

Des vendeurs d'oignons sur le marché de Camberene à Dakar.
L'économie du Sénégal repose beaucoup sur le secteur informel null Getty Images/AFP/Seyllou

Stabilité politique attractive

Les forces de l’économie sénégalaises résident dans la stabilité politique du pays, une administration bien formée et un secteur privé très dynamique, dit pour sa part l’économiste Cheikh Oumar Diagne. Il regrette que, malgré 64 ans d’indépendance, l’économie du pays peine à décoller véritablement parce que "les modèles utilisés, le plus souvent, ne lui correspondent pas. Elle demeure une économie de services et dépendante de l’extérieur même pour des besoins de base."

Joint par la DW, Cheikh Oumar Diagne ajoute par ailleurs que, "l'économie sénégalaise continue d’avoir une balance commerciale structurellement déficitaire. Le secteur informel concentre plus de 92% des emplois de l’activité. Un Produit Intérieur Brut (PIB) par tête qui stagne depuis 1960. A titre illustratif, on peut dire qu’en 1960, le PIB par tête tournait autour de 1050 dollars par habitant. En 2020, il se situe à presque 1300 dollars pendant que d’autres pays ont multiplié par 20, 30, voire 40 leur PIB par tête. L’économie est toujours spécialisée dans l’attraction des investissements étrangers ; des IDE, et se spécialise dans l’exportation de matière première qui n’est pas vraiment à forte valeur ajoutée et qui ne règle pas le problème de l’emploi."

Le tissu économique du Sénégal est assez fragile, dit encore Cheikh Oumar Diagne qui précise que plus de 90% des entreprises ont des chiffres d’affaires de moins de 100 millions de francs CFA. Plus de 60% du capital des banques présentes au Sénégal, appartient à des étrangers qui font essentiellement du profit.

Togo : la nouvelle Constitution toujours source de polémique

La présidence togolaise a annoncé, mardi 9 avril, une nouvelle date pour les élections législatives et régionales qui auront lieu finalement le 29 avril 2024 au Togo

Initialement programmées pour le 20 avril, ces élections ont été reportées afin de mener des consultations sur la nouvelle Constitution.

Mais, plusieurs partis d'opposition et la société civile, estiment que le projet de nouvelle Constitution est destiné à maintenir le président Faure Gnassingbé au pouvoir. Des professeurs d'université ont pour leur part, écrit une lettre ouverte au président togolais, dans laquelle ils assimilent la révision constitutionnelle à un coup d'Etat. 

Une "diversion"

L'opposition et la société civile qualifient les consultations sur la nouvelle Constitution de "diversion", et l'annonce de la nouvelle date des élections législatives et régionales ne change en rien leur détermination à contester le changement de Constitution.

Selon Célestin Agbogan, de la Ligue togolaise des droits de l'Homme "il faut retirer la loi". Il estime que "cette manière de procéder est une injure à la population" et qu'il va falloir que "la population togolaise s'insurge contre cette manière de procéder et que le chef de l'Etat prenne ses responsabilités pour faire retirer cette loi."

L'opposition a d'ailleurs appelé à des manifestations de protestation contre la nouvelle Constitution. Mais le gouvernement les a interdites. 

Ecoutez les explications de Noël Tadégnon

L'opposition entend se battre

Pour l'opposant Dodzi Apevon, la nouvelle Constitution et le changement de régime politique sont destinés à maintenir le président Faure Gnassingbé au pouvoir.

"On trouve un malin plaisir à créer une crise supplémentaire en disant que c'est une nouvelle Constitution parce qu'on veut faire du chef de l'Etat actuel le président à vie. En réalité, c'est l'objectif poursuivi" assure-t-il avant de se demander "qui peut accepter ça ?".

Dodzi Apevon n'entend donc pas baisser les bras face à la crise actuelle au Togo.

"Quel que soit ce que ça va nous coûter, on se battra. Nous sommes tous regroupés, soudés autour de cet idéal pour sauver notre pays du gouffre dans lequel le chef de l'Etat Gnassingbé est en train de le plonger" précise l'opposant.

Dans la foulée, 47 enseignants chercheurs de l'Université de Lomé ont adressé une lettre ouverte au président Faure Gnassingbé, dans laquelle ils désapprouvent le processus en cours et demandent à Faure Gnassingbé d'arrêter la révision de la Constitution.

La Cédéao toujours sous le feu des critiques

Alors que la campagne pour les élections législatives et régionales au Togotire vers sa fin avant l'ouverture des bureaux de vote le 29 avril, les militaires ont voté par anticipation ce vendredi 26 avril dans le pays.

Ce processus électoral se déroule au Togo sur fond de tensions liées à l'adoption d'une nouvelle Constitution contestée par l'opposition. Treize partis politiques et organisations de la société civile au Togo ont déposé un recours devant la Cour de justice de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour réclamer le retrait de cette nouvelle Constitution. 

Dans leur demande à la Cédéao, les requérants estiment que la réforme constitutionnelle "a été faite en l'absence d'un débat public préalable et d'un consensus politique", ce qui porte atteinte à "la démocratie et la bonne gouvernance".

Ils affirment avoir "été victimes de violations de leurs droits par l'Etat du Togo", qui a interdit des manifestations prévues par l'opposition.

Ils demandent à la Cour de justice de l'institution régionale de "condamner la République du Togo" pour avoir changé de Constitution, et de "retirer purement et simplement la loi sur le changement constitutionnel". Et cette requête est déposée alors que la Cédéao fait elle même l'objet de critiques ces dernières années pour sa gestion des crises dans la sous-région.

Les missions de la Cédéao

Créée le 28 mai 1975, la Cédéao est destinée à coordonner les actions des pays de la sous-région. Son but : promouvoir la coopération et l'intégration avec l'objectif de créer une union économique et monétaire ouest-africaine. Elle promeut ainsi l'autosuffisance de ses membres en facilitant la libre circulation des personnes et des biens.

Si au départ son rôle était purement économique, la Cédéao s'est toutefois assez vite intéressée au maintien de la paix, une condition essentielle pour la réalisation d'une union. Elle travaille donc à régler les conflits, les crises et c’est surtout sur ce terrain politique que son action est controversée.

Face à la montée en flèche des coups d’Etat dans la sous région, l’action de la Cédéao est jugée tantôt molle, tantôt trop sévère. Les détracteurs de l'organisation sous-régionale l'accusent par ailleurs de fermer les yeux sur les changements anticonstitutionnels.

Le professeur Théodore Holo a été plusieurs fois ministre et a présidé la Cour constitutionnelle du Bénin. Ecoutez son analyse.

Theodore Holo - MP3-Stereo

Mali-Guinée-Burkina : les transitions durent, le ton monte

Au Mali, la liste des personnalités arrêtées pour avoir dénoncé la gestion de la transition militaire est longue.

L’activiste et artiste Ras Bath est en prison depuis plus d’un an. Egalement derrière les barreaux : Adama Ben Diarra, alias Ben le cerveau, la blogueuse Rokia Doumbia, ou encore l’économiste Etienne Fakaba. Oumar Mariko, le président du parti politique le Sadi a, lui, préféré s’exiler, tout comme l’influent imam Mahmoud Dicko. 

Les militaires ne veulent pas qu’on leur rappelle qu’ils s’étaient engagés à organiser des élections en février 2024 et qu’il est temps que la transition prenne fin.

"Nous n’avons pas soutenu le coup d’Etat en 2020. Nous l’avons condamné. On a décidé tous de sortir rapidement de cette situation. Ce qui est reproché aux autorités actuelles c’est qu’on n’a pas de visibilité. Une transition ne peut pas se prolonger indéfiniment", estime Hamidou Doumbia, secrétaire politique du parti Yelema.

Le 10 avril dernier, les militaires ont annoncé la suspension des activités des partis politiques qui leur rappelaient que la transition a pris fin le 26 mars 2024.

Des Nigériens rassemblés en soutien à la junte au pouvoir, le 26 août 2023
Les militaires peuvent cependant compter sur le soutien de nombreux citoyensnull AFP

La peur de la répression

En Guinée, où le fraîchement promu général Mamadi Doumouya a pris le pouvoir après avoir renversé le président Alpha Condé, en septembre 2021, la fronde est également grande, en dépit de la nomination, en février dernier, d’un nouveau Premier ministre, Bah Oury, une des grandes figures de l’opposition.

L’opposition demande l’organisation des élections avant le 31 décembre prochain. Faute de quoi, elle affirme qu’elle ne reconnaitra plus le pouvoir militaire.

Au Burkina Faso, la fronde est moindre, mais cela s’explique par la peur de la répression, car les voix discordantes ne sont pas tolérées. Des hommes politiques et des acteurs de la société civile ont été réquisitionnés et envoyés au front pour combattre les djihadistes.  

"Il faut se dire que nous sommes dans un régime militaire. Le régime militaire, c’est avant tout la caserne. Ce n’est pas un régime démocratique. Aujourd’hui, chacun se méfie et ne rend pas la parole comme il le veut", explique Guy Olivier Ouédraogo, secrétaire de la Confédération syndicale du Burkina.

Des Nigériens rassemblés en soutien à la junte au pouvoir, le 26 août 2023
Les militaires peuvent cependant compter sur le soutien de nombreux citoyensnull AFP

Les raisons de la grogne

Pourquoi le fossé se creuse-t-il entre les militaires et la classe politique dans les différents pays en transition ?

"La lecture que nous faisons est que les militaires sont dans une logique de conservation du pouvoir et c’est cela qui peut amener à une certaine division", dit Guy Olivier Ouédraogo de la Confédération syndicale du Burkina.

Le syndicaliste burkinabè dit ne pas croire à court terme, à l’organisation des élections dans son pays.

La Cédéao impuissante

Et face à ces transitions militaires qui perdurent, la Cédéao se montre impuissante et se fait de plus en plus discrète. Après avoir menacé d’intervenir au Niger, autre pays sous transition militaire, elle est revenue sur sa décision. Elle a même levé le blocus économique qui touchait le pays. 

Il est temps d'en finir avec ces transitions pour s'attaquer aux problèmes sociaux, estime ainsi Hamidou Doumbia, du parti Yelema.

Togo : nouveau vote pour ou contre la nouvelle Constitution

Les parlementaires avaient déjà adopté le 25 mars la nouvelle Constitution, qui ferait passer le Togo d'un régime présidentiel à un régime parlementaire. 

Mais le président Faure Gnassingbé avait demandé qu'ils procèdent à un nouveau vote devant le tollé provoqué par cette réforme qualifiée de "coup d'Etat constitutionnel" par l'opposition.  

Cette dernière y voit un moyen pour le président, au pouvoir depuis 2005 à la suite de son père resté près de 38 ans à la tête du pays, de se maintenir aux commandes de l'Etat alors que la Constitution actuelle ne lui laisse la possibilité de briguer qu'un dernier mandat en 2025.  

Le poste de président du conseil des ministres 

En vertu de la nouvelle Constitution, il revient au parlement togolais d'élire le président de la République (qui est privé de toute prérogative), "sans débat" et "pour un mandat unique de six ans".  

Aux termes du nouveau texte, dont l'intégralité n'a pas été rendue publique, le pouvoir résidera entre les mains d'un "président du conseil des ministres", sorte de Premier ministre "désigné" par les députés, en charge des fonctions régaliennes.  

Son mandat doit être de six ans, sans qu'il soit précisé s'il sera renouvelable ou non. 

C'est ce point qui inquiète l'opposition qui craint que Faure Gnassingbé ne soit désigné à cette fonction, assurant son maintien au pouvoir pour une durée indéfinie. 

Faure Gnassingbe
Contrairement au dernier scrutin législatif de 2018 qu'elle avait boycotté, l'opposition a décidé de se mobiliser massivement pour les législatives de cette année.null Ute Grabowsky/photothek/IMAGO

Par ailleurs, une mission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) se trouve à Lomé depuis le début de la semaine. 

L'institution régionale avait dans un premier temps mentionné "le contexte crucial" au Togo et la "gravité des réformes constitutionnelles controversées". 

La volte-face de la Cédéao 

Avant de faire volte-face le lendemain en expliquant dans un communiqué qu'elle y effectue "une évaluation préélectorale" et "ne s'engagera dans aucun autre processus comme indiqué dans un communiqué antérieur". 

Selon David Dosseh, membre de la société civile togolaise et joint par la DW, "cette succession de communiqués contradictoires sur les vrais objectifs de la mission de la Cédéao au Togo   n'est pas faite pour nous rassurer. Il y a une espèce de volte-face de la Cédeao et cela nous amène à nous interroger sur la volonté véritable de cette institution de faire face à la question du coup d'Etat constitutionnel qui a cours en ce moment au Togo dans un contexte régional marqué par un regain de la démocratie au Sénégal, marquée également par les difficultés liées au divorce annoncé par les pays membres de l'Alliance des Etats du Sahel. Nous pensons que la Cédéao devrait davantage se focaliser sur ces situations de renversement de régime constitutionnel, comme c'est actuellement le cas au Togo, afin de ne plus prêter le flanc à certaines critiques, à certains reproches qui lui sont faits."