La Tunisie pourrait-elle devenir le "Rwanda" de l'UE pour les demandeurs d'asile déboutés ?

Il y a quelques semaines, le Parlement européen a donné son feu vert à une réforme de la politique migratoire européenne qui doit entrer en vigueur en 2026.

Des migrants subsahariens manifestent devant le HCR en Tunisie pour demander leur relocalisation (archive 2022)
Les défenseurs des droits humains dénoncent les traitements infligés aux migrants subsahariens en Tunisie null Fathi Nasri/AFP/Getty Images

Parallèlement, Bruxelles multiplie les accords avec les pays d'origine et de transit pour réduire le nombre d'arrivées d'exilés à ses frontières. Parmi ces pays figure la Tunisie, avec laquelle l'UE a conclu en juillet 2023 un accord de "partenariat stratégique" sur l'immigration.

Plus récemment, l'Italie a elle aussi signé trois accords bilatéraux avec Tunis sur le même sujet pour limiter les arrivées de migrants sur son territoire.

De nombreux abus commis lors des contrôles

En théorie, la Tunisie pourrait être un endroit privilégié pour accueillir des demandeurs d'asile déboutés par l'Union européenne. Dans l'enveloppe de plus d'un milliard d'euros du partenariat conclu en 2023 avec Bruxelles, 105 millions sont destinés à lutter contre la migration irrégulière.

Un bateau de la garde nationale arrête une embarcation de migrants au large de Sfax
Le nombre de personnes interceptées en mer par la marine tunisienne a augmenténull Hasan Mrad/ZUMA Wire/IMAGO

Le partenariat semble déjà porter des fruits en matière de réduction des flux migratoires : selon l'Agence des Nations unies pour les Réfugiés (UNHCR), 16.000 personnes parties de Tunisie, d'Algérie et de Libye sont arrivées en Italie en avril, contre plus de 36.000 sur la même période en 2023. La marine tunisienne en a intercepté environ 21.000 autres avant qu'elles n'atteignent les eaux européennes.

En théorie, donc, les migrants refoulés pourraient trouver refuge en Tunisie, sur le même modèle que ceux refoulés par le Royaume-Uni au Rwanda. Mais pour Salsabil Chellali, directrice pour la Tunisie chez Human Rights Watch, la Tunisie est tout sauf un pays sûr pour les exilés.

"Aujourd'hui en Tunisie, les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés sont confrontés à de graves abus de la part des forces de sécurité, y compris la Garde nationale et les garde-côtes, lors de leur interception en mer. Ils sont victimes de mauvais traitements, d'arrestations et de détentions arbitraires. Les autorités tunisiennes continuent également d'expulser collectivement les migrants et les demandeurs d'asile aux frontières avec la Libye et l'Algérie. C'est devenu une pratique régulière."

La Tunisie ne sera "jamais" un pays d'accueil selon Saïed

Début avril, le président tunisien Kaïs Saïed a réaffirmé lors d'une réunion sur la sécurité nationale que son pays ne deviendrait jamais un pays d'accueil pour les migrants "expulsés d'Europe".

Le président tunisien Kaïs Saïed
Kaïs Saïed a réaffirmé que la Tunisie "ne tolérera ni le transit ni la résidence de migrants irréguliers"null Chokri Mahjoub/ZUMA Wire/IMAGO

Le chef de l'Etat tunisien n'en est pas à sa première sortie contre les exilés. En février 2023, ses propos racistes dénonçant "des hordes de migrants clandestins" avaient déclenché une vague de violence contre les migrants subsahariens.

Kelly Petillo, cheffe de projet pour l'Afrique du Nord au Conseil européen des relations étrangères, est elle aussi critique des accords de partenariat entre l'UE et la Tunisie.

"La seule chose que font ces accords est de porter atteinte aux droits des réfugiés et des migrants. Ils ne s'attaquent pas aux problèmes structurels ni aux causes profondes qui poussent ces personnes à entreprendre ces voyages périlleux. En outre, ils n'aident pas les pays comme la Tunisie à traiter ces arrivées."

Le pays ne dispose pas de lois nationales sur l'asile, ni même d'un système qui pourrait accorder un statut légal ou permettre aux personnes de travailler. Résultat : de nombreuses personnes se retrouvent sans ressources.

Actuellement, environ 12.000 réfugiés et demandeurs d'asile sont enregistrés par le HCR en Tunisie.

La DW réagit au blocage de son site internet au Burkina Faso

Communiqué de la DW

Le Burkina Faso verrouille l'accès à la page internet de la Deutsche Welle – La directrice des programmes de la DW demande "un rétablissement immédiat de l'accès".

Dans un communiqué, le Conseil supérieur de la communication burkinabè parle d'un "verrouillage jusqu'à nouvel ordre" de la page internet de la Deutsche Welle. D'autres organes de presse sont aussi concernés par cette mesure.

Pour la directrice des programmes de la Deutsche Welle, Nadja Scholz, "le verrouillage de l'accès à la page internet de la Deutsche Welle et d'autres médias au Burkina Faso signifie pour les gens sur place qu'ils se voient retirer des sources d'informations importantes et indépendantes. La diffusion de nos programmes au Burkina Faso et sur le Burkina Faso est toujours basée sur des faits et une approche équilibrée. Nous demandons avec insistance aux autorités de régulation, de rétablir le plus vite possible l'accès à notre page internet."

Ce blocage fait suite au traitement sur les chaînes internationalesd'un rapport de Human Rights Watch, qui accuse l'armée burkinabè d'avoir commis des massacres de masse sur des populations civiles. Le gouvernement rejette le rapport de HRW qu'il considère comme des "accusations sans fondement".

La Deutsche Welle atteint ses utilisateurs au Burkina Faso notamment à travers sa diffusion en français et travaille avec 15 stations partenaires qui reprennent surtout les émissions radiodiffusées. Le programme en français pour l’Afrique (DW Afrique) fait partie du top 7 des 32 langues de diffusion de la Deutsche Welle. Les émissions de la DW en français ont une audience hebdomadaire estimée à 13 millions de contacts d’utilisateurs. 

Les contenus publiés par la DW en français demeurent accessibles au Burkina Faso sur les réseaux sociaux : X, Facebooket TikTok. Les utilisateurs des contenus en français de la DW peuvent en outre contourner la censure en recourant à certains outils, entre autres Psiphonet l'Appli DW.

Des conseils pour contourner la censure sur internet

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29 avril 2024

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HRW dénonce des crimes de guerre au Burkina Faso

Human Rights Watch dénonce des exactions parmi "les pires commises par l'armée du Burkina Faso depuis 2015".

L'ONG de défense des droits humains accuse l'armée d'avoir "exécuté au moins 223 civils", dont des dizaines d'enfants, dans deux villages du nord du pays. C'était fin février.

L'organisation soupçonne des crimes de guerre et réclame aux autorités burkinabè de transition de réagir.

Des témoignages bouleversants

Les faits remontent à février et sont révélés ce jeudi dans un rapport publié par Human Rights Watch qui affirme que les forces de sécurité burkinabè auraient "tué 44 personnes, dont 20 enfants, dans le village de Nondin, ainsi que 179 autres personnes, dont 36 enfants, dans le village voisin de Soro". Ces deux localités sont situées dans la province du Yatenga, dans le nord du pays.

Pour établir ce décompte, l'ONG s'est entretenue avec des témoins des tueries, des militants de la société civile locale, des membres d'organisations internationales. Les survivants ont relaté des scènes traumatisantes, raconte Ilaria Allegrozzi, chercheuse sur le Sahel à Human Rights Watch : 

"Ils nous ont décrit comment les militaires sont arrivés en convoi, avec des véhicules et portant des uniformes de l'armée burkinabè. Les soldats ont fait du porte-à-porte, ont fait sortir les gens, les ont regroupés puis ils ont ouvert OK le feu sur ces civils, des hommes, des enfants, des femmes, des vieillards."

HRW a également étudié des documents (vidéos et photos) partagés après ces tueries par des survivants. Les informations collectées ont corroboré leurs dires et permis de localiser plusieurs fosses communes.

Les Burkinabè débattent des réquisitions forcées

Lutte antiterroriste dans le Sahel

Les Forces de sécurité (FDS) du Burkina Faso luttent contre plusieurs groupes armés très violents, principalement le GSIM et l'Etat islamique dans le Grand Sahara.

Ces deux groupes ont revendiqué ces derniers mois plusieurs attaques de casernes, mais aussi de camps de personnes déplacées, d'habitations, de lieux de culte.

Les 24 et 25 février 2024, des djihadistes auraient lancé des attaques "coordonnées simultanées", selon les autorités burkinabè. Le lendemain, le ministre de la Défense, Mahamoudou Sana, a expliqué sur la chaîne publique RTB que l'armée avait donc répliqué par des opérations antiterroristes, couronnées de succès.

"Nous sommes dans une dynamique de reconquête, et nous sommes dans une dynamique d'infliger le maximum de perte à l'ennemi", a ainsi expliqué  le ministre à la télevision. "L'ennemi entreprend des actions pour pouvoir nous décourager. Mais cela également, c'est sans compter sur la résilience et la détermination du peuple burkinabè. Cela également est un message à l'endroit de l'ennemi pour qu'il comprenne que désormais le peuple est debout, et que le peuple burkinabè va se battre pour défendre sa patrie."

Débat : vivre dans un pays en guerre

Complicité passive, complicité active et dénonciations

Toutefois, durant cette interview à la RTB, Mahamoudou Sana n'a pas évoqué les victimes civiles des violences, y compris celles commises par les FDS. Le ministre en a toutefois profité pour rappeler sans ambages les attentes des autorités envers les citoyens.

"Il faut que la population sache que, désormais, il faut participer fortement à la coproduction en matière de sécurité, et cela à travers les dénonciations des individus suspects, le signalement d'objets suspects", poursuit le ministre de la Défense avant d'ajouter, comme une mise en garde à ses concitoyens qu'"il faut éviter la complicité passive ou active".

Il s'explique en ces termes : "Quand je parle de complicité active, et ça agit, des individus qui, délibérément, appuient ces ennemis à pouvoir atteindre leur objectif, notamment dans le transport, la logistique ou bien dans l'appui, l'aide au financement de certaines actions. […] La complicité passive, il s'agit du profil bas : vous avez des comportements suspects qui peuvent être détectés mais certains citoyens se diront: ce n'est pas mon travail, c'est le travail des FDS.[…]  Je tiens à préciser ici que le Code pénal est clair : tout complice est sanctionné à la hauteur, au même titre que l'auteur."

Y a-t-il une démocratie à l'africaine ?

Les civils pris entre le marteau et l'enclume

Ilaria Allegrozzi, de HRW, critique cette politique qui ne dit pas son nom : "Ces deux attaques [à Nondin et Soro] sont des attaques de représailles perpétrées par les Forces de sécurité contre la population civile, accusée d'être complice, de collaborer, de soutenir les djihadistes qui pourtant contrôlent la zone, y font des ravages et s'attaquent aussi aux civils. Les civils se retrouvent entre deux feux."

Pour l'heure, les autorités n'ont pas apporté de réponse officielle aux accusations de l'ONG mais selon Ilaria Allegrozzi, les allégations ne devraient pas les surprendre :

"Ce qu'il faut retenir, c'est le courage des survivants et leurs familles qui, dès le lendemain de ces massacres, se sont rendus à la gendarmerie de Ouahigouya pour faire une déposition. […] Notre rapport ne devrait pas surprendre les autorités. Elles sont au courant. Au lendemain de ces massacres, le procureur du tribunal de Ouahigouya, la principale ville de la région, a annoncé l'ouverture d'une enquête", dit-elle.

HRW souligne par ailleurs que les massacres de Nondin et Soro s'inscrivent dans une stratégie et sont loin d'être des événements isolés. L'ONG souhaite que les autorités permettent que l'enquête avance de manière indépendante pour juger les responsables de violences qui pourraient s'apparenter à des "crimes de guerre" ou des "crimes contre l'humanité". Avec le concours des Nations unies ou de l'Union africaine.

HRW réclame aussi, à l'Etat burkinabè et à ses partenaires étrangers qu'ils viennent en aide aux victimes et leurs proches, en leur fournissant une assistance matérielle, psychologique et  médicale. Et en prévenant ce type de violences à l'avenir.

Mise en garde de l'Allemagne

Le ministère allemand des Affaires étrangères met par ailleurs en garde les touristes contre un risque accru d'actes terroristes et d'enlèvements au Burkina Faso. L'organisation catholique "Kirche in Not" signale quant à elle que plusieurs chrétiens auraient été enlevés et d'autres tués dans un village près de Fada N'Gourma, dans l'est du pays.
 

Amnesty s'inquiète pour les droits humains dans le monde

Le rapport annuel 2023 d'Amnesty international sur la situation des droits humains dans le monde est sombre.
Amnesty International s'inquiète également de l'introduction de l'intelligence artificielle dans les systèmes de surveillance de masse. 

Quand l'intelligence artificielle menace les libertés

Triste record en matière de violation des droits humains

Amnesty International a relevé l'année dernière un "niveau de violation des droits humains sans précédents", à Gaza et en Ukraine, notamment.

2023 a été aussi une année particulièrement meurtrière pour les journalistes et les travailleurs humanitaires. La secrétaire générale de l'ONG a fait part de ses inquiétudes lors de la présentation du rapport à la presse, à Londres.

Agnès Callamard condamne également l'adoption, par le Parlement britannique, de la loi qui permettra des expulsions de demandeurs d'asile vers le Rwanda. 

"Nous sommes absolument bouleversés par la décision prise hier au Royaume-Uni", a-t-elle ainsi déclaré. "La loi concernant le Rwanda est une loi honteuse, c'est quelque chose qui n'aurait jamais dû se produire. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher son application."

Risques de la surveillance algorithmique

Autre point soulevé par Amnesty International : la dangerosité potentielle des nouvelles technologies quand celles-ci sont utilisées à des fins répressives. L'absence de standards internationaux pour réglementer leur usage peut aussi, selon l'ONG, mettre en danger les libertés fondamentales.

Pourquoi la peine de mort est-elle encore légale ?

La France fait particulièrement mauvaise figure, du point de vue d'Amnesty International, avec son autorisation de la surveillance algorithmique des espaces publics pendant les Jeux olympiques qui se tiendront cet été à Paris.

Katia Roux, chargée de plaidoyer Libertés chez Amnesty International France, explique que son organisation "craint très clairement que la loi JO et le fait d'introduire des exceptions à l'interdiction de ces technologies qui sont dangereuses, constituent effectivement des étapes vers l'utilisation de technologies de surveillance de masse comme la reconnaissance faciale et toute identification biométrique."

(Ecoutez ci-dessus notre interview avec Katia Roux sur les risques de l'intelligence artificielle employée à surveiller à grande échelle).

Amnesty International craint que ces logiciels ne renforcent des discriminations systémiques de certains groupes de personnes – notamment par les forces de l'ordre.

Par ailleurs, plusieurs ONG de défense des droits humains, dont Amnesty international, dénoncent l'impunité des forces de l'ordre au Kenya. L'année dernière, 118 personnes auraient été tuées dans le pays par des policiers.

L'ONG note également un regain des "discours de haine décomplexée". Elle appelle les pouvoirs publics à prendre conscience de l' "impact des discours racistes et stigmatisants", et les sociétés civiles à rester vigilantes pour la défense de leurs droits et libertés.

Londres tient sa loi pour expulser des migrants vers le Rwanda

Le Parlement a fini par adopter, dans la nuit de lundi (22.04) à mardi, le texte qui doit permettre de concrétiser un traité conclu avec Kigali. Il permet de renvoyer vers le Rwanda les demandeurs d’asile arrivés illégalement au Royaume-Uni, notamment en traversant la Manche.

Pour l’organisation allemande de défense des migrants Pro Asyl, l’accord avec le Rwanda est "clairement illégal, inhumain et extrêmement coûteux". En plus, poursuit l’ONG, il "repose sur l'hypothèse erronée qu'il permettra d'empêcher la fuite (de migrants) vers le Royaume-Uni."

C’est pourtant ce que prétend le Premier ministre Rishi Sunak et son gouvernement conservateur. "Stop the boat", promet, depuis son arrivée au pouvoir, le Premier ministre britannique. Il veut "stopper les bateaux" qui traversent la Manche, alors que le nombre d’arrivées sur les côtes est à nouveau en hausse et que le Royaume-Uni dit avoir enregistré quelque 67.000 demandes d'asile l’an dernier. 

Rishi Sunak a fait de sa politique migratoire une clé de voûte de son action. 

Reste que cela passe, selon les Nations unies, par des lois "de plus en plus restrictives" et qui "ont érodé l'accès à la protection des réfugiés" depuis 2022. L’Onu appelle ainsi Londres à "reconsidérer son plan" avec le Rwanda. 

La nouvelle loi contourne une décision de la Cour suprême britannique. Elle avait jugé le projet initial illégal, car il violait selon les juges plusieurs accords internationaux et ce, au motif qu’il n’existe pas de procédure d'asile sûre au Rwanda, ni de protection contre la persécution.  

Un bateau de secours arrive dans le port de Dover, au Royaume-Uni
Au moins cinq migrants, dont une enfant, sont décédés après "un mouvement de foule" en mer lors d'une tentative de traversée de la Manche dans la nuit de lundi à mardinull Gareth Fuller/PA/AP/picture alliance

Le Rwanda, un pays sûr selon Londres 

Pour se mettre à l’abri des recours juridiques, le texte voté au Parlement déclare tout simplement le Rwanda comme un pays tiers sûr. Il interdit aussi le renvoi des migrants vers leur pays d'origine. 

La loi prévoit même que le gouvernement pourra outrepasser d'éventuelles injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme pour empêcher les expulsions. C’est ce que la Cour avait fait l'an dernier pour annuler à la dernière minute le décollage du premier vol d’expulsion. 

Le Haut-commissariat aux réfugiés de l’Onu doute également du traitement des demandes d’asile au Rwanda, et craint l’absence d’un "système d'asile accessible, fiable, juste et efficace" dans un pays où des organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch dénoncent régulièrement des atteintes aux droits de l’Homme, à la liberté d’expression ou encore des disparitions forcées. 

Plus largement, d’après Pro Asyl, ce genre d’accord d’externalisation présente le risque que des Etats se placent "dans une relation de dépendance avec des régimes autocratiques et dictatoriaux". L’ONG dénonce ainsi "le silence du gouvernement britannique sur le soutien rwandais au groupe rebelle M23, dans l'est de la RDC"

"Les vols auront lieu quoi qu'il arrive" 

Mais Rishi Sunak est bien déterminé à concrétiser l’accord avec Kigali initié sous son prédécesseur, Boris Johnson. D’autant que des élections régionales et nationales auront probablement lieu en octobre et que le Premier ministre est au plus bas dans les sondages. Or, la migration est un thème porteur auprès d’une partie de l’électorat. 

Le premier avion pourrait décoller dans dix à douze semaines, selon Rishi Sunak. Une compagnie aérienne commerciale a accepté d’opérer les vols charters. Cinq cents personnes chargées d'accompagner les demandeurs d’asile auraient déjà été formées. 

L’Etat mobilise également des juges pour traiter rapidement les recours juridiques des demandeurs d’asile qui peuvent contester individuellement leur expulsion. 

"Nous sommes prêts. Les plans sont en place. Et ces vols auront lieu quoi qu'il arrive", a déclaré le chef du gouvernement britannique. 

Volker Türk "préoccupé'' par la peine de mort en RDC

Le Haut-commissaire Volker Turk a visité des camps de personnes déplacées à Bunia, dans la province de l'Ituri, et à Goma, chef-lieu de la province voisine du Nord-Kivu. Il a relevé que la préoccupation immédiate des populations touchées par le conflit est leur sécurité. Volker Turk s'est déclaré inquiet quant au sort des populations une fois les forces onusiennes se retiraient précipitamment de la RDC.

"Les autorités congolaises et la communauté internationale doivent continuer à travailler en partenariat pour éviter un vide de protection qui mettrait davantage en danger les civils. J'ai de réelles inquiétudes quant à ce qui pourrait arriver aux civils en cas de retrait précipité de la Monusco.", a regretté Türk. 

''La peine de mort devrait être abolie partout''

 Les Nations unies sont très claires, elles souhaitent l'abolition de la peine de mort partout dans le monde a dit Volker Türk lors de sa rencontre avec le président Félix Tshisekedi à Kinshasa
Les Nations unies sont très claires, elles souhaitent l'abolition de la peine de mort partout dans le monde a dit Volker Türk lors de sa rencontre avec le président Félix Tshisekedi à Kinshasanull Congo Presidency Press Unit

La visite du Haut-commissaire des Nations-Unies aux droits de l'homme est survenue quelques semaines après que les autorités congolaises ont décidé de lever le moratoire sur la peine de mort. Volker Turk a bien précisé que les Nations unies s'y opposent.

"Je suis préoccupé par la récente décision du gouvernement de lever le moratoire sur l'application de la peine de mort. Les Nations Unies sont claires à ce sujet. La peine de mort devrait être abolie partout dans le monde.", a-t- il dit. 

 Le 15 mars, le gouvernement a annoncé sa décision de lever le moratoire sur l'exécution de la peine de mort qui était en vigueur depuis plus de 20 ans dans le pays.  Il expliquait que cette mesure ciblait les militaires accusés de trahison, alors que la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, est en proie à la rébellion du M23 ("Mouvement du 23 mars") qui, soutenue par l'armée rwandaise, occupe de larges pans de territoire. 

Elle vise aussi les auteurs de "banditisme urbain ayant entraîné mort d'homme", ajoutait-il. Cette décision a aussitôt été vivement critiquée par les organisations de défense des droits humains.

Rencontre avec la société civile 

Au cours de sa mission, le Haut-commissaire a échangé avec des défenseurs des droits humains et une délégation de partis politiques de l'opposition. Avant de quitter Kinshasa, il a rencontré la nouvelle Première ministre Judith Suminwa et a été reçu par le président Félix Tshisekedi.

L'influence grandissante des églises américaines en Afrique

Depuis les années 2000, les églises chrétiennes fondamentalistes américaines, profondément homophobes, anti-avortement et niant la transidentité, gagnent de plus en plus d'influence dans la société et la politique en Afrique. Haley McEwen, sociologue à l'université de Göteborg, enquête sur les coulisses de ces puissants réseaux.

"Protection du noyau familial"

Elle explique que les réseaux américains d’activistes conservateurs qui se qualifient de "pro-famille" sont exclusivement intéressés par la protection et la défense d'un certain type de famille : la famille hétérosexuelle, monogame et mariée. En Afrique, leur objectif principal est alors de convaincre les gouvernements, notamment par le biais de conseils ou de formations qui présentent l'homosexualité et la diversité de genres comme des importations étrangères menaçant les sociétés africaines, pour qu’ils soutiennent ensuite leur politique auprès des Nations unies.

Des manifestants anti-LGBTQ brandissent des pancartes rouges avec des slogans LGBTQ-phobe lors d'une manifestation à Nairobi, au Kenya
Les activistes anti-LGBTQ n'hésitent pas à organiser des manifestations dans les ruesnull Thomas Mukoya/REUTERS

Irungu Houghton, directeur d'Amnesty International au Kenya, souligne que "la haine attisée par ces groupes ne s’inscrit pas dans l'histoire du Kenya ou de l'Afrique en général. Mais c’est elle qui crée les conditions pour la violence et les attaques contre les personnes de la communauté LGBTQ sur le continent".

L’influence dépend de l’argent

Le mouvement africain pro-famille s'est ainsi de plus en plus développé de lui-même, mais, comme l’affirme MecEwen, le succès des campagnes africaines dépend toujours en grande partie des investissements étrangers.

Des militants anti-avortement et pro-famille tiennent des pancartes lors d'un rassemblement de prière organisé par CitizenGo, pour protester contre l'agenda de l'avortement à la CIPD25 (Conférence internationale sur la population et le développement) qui se tenait à Nairobi, le 14 novembre 2019.
Des mobilisations anti-avortement voient le jour en Afriquenull Simon Maina/AFP/Getty Images

La plateforme médiatique internationale indépendante "OpenDemocracy", basée à Londres, indique par exemple dans une enquête de 2020 qu’une vingtaine de groupes chrétiens américains ont dépensé au moins 54 millions de dollars en Afrique depuis 2007 ; des groupes connus notamment pour leur lutte contre les droits LGBTQ.

Peine de mort pour les homosexuels en Ouganda 

En Ouganda ou au Ghana par exemple, l'influence du groupe ultra-conservateur de l'Arizona "Family Watch International" se fait ressentir jusque dans l’adoption des lois. 
Le président ougandais Yoweri Museveni a ainsi signé en mai 2023 une loi anti-homosexuels faisant risquer la peine de mort aux homosexuels ainsi que 20 ans de prison pour les groupes d'activistes LGBTQ.
Au Ghana, le parlement a d'adopté récemment une loi qui renforce les sanctions pour les actes homosexuels consentis et qui criminalise les personnes et les organisations de défense des droits des personnes LGBTQ. 

Des manifestants portent des affiches rouges avec des inscriptions en jaune contre la loi anti-homosexuels en Ouganda
Des manifestations contre la loi ougandaise qui menace d'infliger la peine de mort aux homosexuels ont eu lieu en Ouganda, mais aussi en Afrique du Sudnull Themba Hadebe/AP/picture alliance

Un phénomène mondialement présent

Mais cette évolution que l'on observe dans plusieurs pays africains, ne se cantonne pas à ce continent, comme l’explique McEwen : des lois contre l'homosexualité voient également le jour en Hongrie, en Russie ou encore en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Comme elle le dit si bien, cela ne doit donc pas être un facteur de mépris envers le continent Africain : "Nous ne devons pas étiqueter l'Afrique comme un continent homophobe ou comme quelque chose de spécial simplement parce que ces lois y existent."
 

Senegal: les femmes sous-représentées dans le gouvernement

En plus de 25 ministres, le nouveau gouvernement du Sénégal compte cinq secrétaires d'Etat. 

Depuis l'annonce de la formation de ce gouvernement, la faible présence des femmes dans ce premier gouvernement d'Ousmane Sonko relance le débat sur la place des femmes en politique

"Il est pourtant aujourd'hui incompréhensible que peu de femmes soient au gouvernement, tant le Sénégal regorge de femmes compétentes, dynamiques et politiquement engagées", déplore Nina Penda Faye, membre de la société civile sénégalaise, militante des droits des femmes et des enfants.

À l'en croire, "c’est un reproche que nous faisions déjà au président sortant et que nous faisons malheureusement au président Bassirou Diomaye Faye, étant entendu que le discours était autour de la rupture. Et quand on parle de rupture, ça devrait également se constater à travers un gouvernement qui ferait dans l’équité. Cependant, nous notons que les femmes qui sont dans ce gouvernement sont des femmes qui occupent des postes qui ne sont pas des moindres".

Aïssata Tall Sall a été ministre des Affaires étrangères et de la Justice du président Macky Sall
Aïssata Tall Sall a été ministre des Affaires étrangères et de la Justice du président Macky Sallnull Aissatatallsall12/facebook

"C'est trop peu", abonde pour sa part Fatou Bintou Sarr, assistante de direction et militante du parti d'Ousmane Sonko, le premier ministre. Mais elle  temporise le débat : "Quatre femmes sur 25, c’est certes faible mais c’est à nous de redoubler d’efforts. Aujourd’hui, notre combat, c’est de faire en sorte que les femmes puissent relever le défi au niveau de l’éducation, au niveau des compétences. Notre défi, c’est de nous améliorer, voilà".

Loi sur la parité

Au Sénégal, la loi sur la parité a été votée le 14 mai 2010 parl’Assemblée nationale . Elle  stipule que la moitié des candidats de chaque parti doivent être des femmes. Adoptée par le Sénat le 19 mai, elle a été promulguée le 28 mai 2010. Cependant, elle ne concerne pas les nominations gouvernementales. 

Les explications de Robert Adé

La parité ne s’applique qu’aux institutions électives et semi-électives, indique l’analyste politique sénégalais Djibril Gningue. 

Il ne voit pas de problème dans la composition du gouvernement. 

"Tant sur le plan des orientations stratégiques que sur le plan de la démarche, de l’articulation des départements ministériels et des activités sectorielles, ce gouvernement répond pleinement à nos attentes", déclare-t-il à la DW.

Une source gouvernementale cpontaqcté par la DW  insiste :  dans les rangs protocolaires, c’est une femme qui arrive après le Premier ministre.  Il s'agit de Yacine Fall, ministre de l'Intégration africaine et des Affaires étrangères.

Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale

Le 21 mars 1960, la police de Sharpeville, en Afrique du Sud, réprima dans le sang une manifestation pacifique contre les lois racistes sur les laissez-passer, en plein contexte d'apartheid. 69 personnes perdirent la vie ce jour-là.

Six ans plus tard, en octobre 1966, l'Assemblée générale des Nations Unies proclama la création d'une Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, qui se tient, depuis, tous les 21 mars, en commémoration de cette tragédie.

Définitions

Les termes sont souvent employés sans que, la plupart du temps, on connaisse bien la différence entre racisme, xénophobie ou encore ethnicisme.

Pourtant, la différence est assez claire. Le racisme est une idéologie eugéniste qui affirme la supériorité d'une race sur une autre, alors même que le concept de race est une erreur : il n'y a qu'une seule race humaine sur la Terre.

La xénophobie, en revanche, est la peur de l'altérité, la peur de l'étranger, d'une culture ou encore d'une orientation sexuelle différente.

Le Burundais David Gakunzi, journaliste et écrivain, revient sur ces concepts : "Le racisme, d'abord, ce sont des mots et des actes. Des mots, c'est-à-dire une vision du monde, qui essaye de catégoriser, de diviser notre humanité en races, en catégories biologiques, mais qui va au-delà de la catégorisation, qui affirme qu'il y aurait une hiérarchisation des humains selon leur couleur de peau, selon leur origine, et qui peut produire aussi des politiques de ségrégation et de discrimination. Je dirais enfin que c'est un discours de légitimation des dominations.

La xénophobie est différente. C'est essentiellement la haine, la peur de l'étranger. Les cas les plus concrets, par exemple, dernièrement, c'était notamment, quand on prend l'Afrique, la question de l'ivoirité en Côte d'Ivoire."

Kwesi Botchway veut célébrer la beauté de la peau noire

Une vision du monde fermée

Le concept d'ivoirité avait été lancé dans les années 1990 par le deuxième président ivoirien, Henri Konan Bédié. Destiné à définir l'identité culturelle ivoirienne, il est très vite devenu délétère dans un pays caractérisé par une importante main d'œuvre étrangère, notamment en provenance du Burkina Faso.

Enfin, il y a la haine des autres ethnies, un phénomène répandu sur le continent africain.

"Et l'ethnicité, c'est une façon, je dirais, très pernicieuse, de mettre en avant son ethnie au détriment des autres, explique David Gakunzi. En Afrique essentiellement, c'est une arme de conquête ou de préservation du pouvoir, c'est une arme de manipulation et de division de la population."

L'intellectuel burundais poursuit : "Dans les trois cas, on retrouve une vision du monde fermée, une vision du monde qui conduit nécessairement à la violence, et surtout une vision du monde, notamment dans le cas de la xénophobie et du tribalisme, qui est bâtie autour du bouc émissaire.

Donc dans toutes ces visions du monde, on retrouve cette façon un peu étriquée de voir le monde et de refuser ce qui fait notre humanité, de refuser l'universalité de l'humain."

Discours racistes

David Gakunzi touche enfin un sujet sensible en raison de l'histoire du continent : il ne faudrait pas fermer les yeux, selon lui, sur le phénomène du racisme entre Africains :

"A partir du moment où il y a essentialisation, discrimination, ségrégation et violence, du fait des origines des gens, il y a un discours fascisant, il y a un discours raciste. Ce n'est pas parce que nous avons été victimes du racisme, nous autres noirs, que nous ne serions pas capables du racisme aussi."

Mais le racisme est bien entendu encore présent dans le reste du monde. A ce sujet, cette année est la dernière de la "Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine", initiée par les Nations unies. Ce sont donc les personnes noires, vivant en dehors de l'Afrique, qui sont plus particulièrement prises en compte.

Le cobalt, un minerai prisé mais problématique

Un puits étroit mène vers les profondeurs de la mine. Pierre Amani Kangenda n'en distingue pas le fond, mais il voit les lampes frontales des jeunes hommes qui soulèvent les sacs de 20 kilos les uns après les autres.

Ici, dans le sud de la République démocratique du Congo, on creuse avec des pioches et des pelles pour extraire le cuivre et le cobalt.

"Dès qu'ils atteignent la couche minéralisée, ils commencent l'exploitation", explique Pierre Amani Kangenda. "Trente mètres, c'est la profondeur maximale pour tous les puits ici, on ne peut pas dépasser trente mètres. Donc, s'ils arrivent à trente mètres, ils stoppent, ils vont chercher un autre endroit pour creuser. C'est comme ça pour respecter les normes."

Une minue de cobalt en RDC
Métal sensible, le cobalt est l'une des composantes des batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques. null BENOIT DOPPAGNE/Belga/IMAGO

Des tentatives d'amélioration

Le travail est dur et dangereux, mais un peu plus sûr qu'ailleurs. C'est Amani Kangenda, un ingénieur minier de formation, équipé d'un gilet de sécurité, qui s'occupe du chantier pour le compte de la société de services RCS Global. 

S'il y a des incidents, les partenaires sont informés et des corrections apportées pour que la chaîne d'approvisionnement soit acceptable au niveau international.

Amani Kangenda saisit les informations dans un programme informatique. Sept autres mines de la région sont surveillées dans le cadre du programme Better Mining

Un enjeu de taille

L'enjeu est de taille, notamment pour les constructeurs de voitures électriques. La République démocratique du Congo représente les deux tiers de la production mondiale de cobalt, une matière première nécessaire aux batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques.

Les informations faisant état du travail d'enfants et de mineurs ensevelis nuisent au secteur de la mobilité électronique, qui est présenté comme durable.

Un homme non identifié, debout, dans une mine de cobalt en RDC
Les accidents et l'emploi d'enfants dans les mines nuisent à la réputation du secteur de la mobilité durablenull Getty Images/P. Pettersson

Les initiatives pour plus de transparence et de sécurité au travail visent donc à montrer que la matière première peut également être achetée en toute bonne conscience en RDC. Un projet difficile.

Sensibilisation et patience

Alain Mpalanga, le directeur adjoint de la coopérative Somikas, assure qu'il y a eu des progrès en ce qui concerne la sécurité des mineurs. Au sujet du travail des enfants qui se retrouvent sur les sites miniers, l'accent est mis sur la sensibilisation dans les écoles et les églises, mais pas que…

"Nous sommes en train de réfléchir à comment est-ce qu'on peut clôturer notre site", explique-t-il. "Si on arrivait à clôturer notre site, y compris là où il y a les dépôts, là où il y a les restaurants, des enfants ne pourront pas venir."

Un programme comme Better Mining n'est pas un certificat d'une chaîne d'approvisionnement sans faille. Lucien Bahimba coordonne le programme pour RCS Global : "C'est un travail progressif où les gens finissent par comprendre qu'au bout d'un mois ou d'un an, ils doivent abandonner les comportements qu'ils adoptent depuis cinq ou dix ans. Ce n'est pas toujours facile."

Better Mining ne peut, à lui seul, éliminer le risque pour les entreprises que des minéraux problématiques entrent dans leur chaîne d'approvisionnement. Pour y parvenir, de tels programmes devraient couvrir les mines de la RDCà grande échelle.

 

Au Sénégal, les candidats attendus aussi sur la migration

Selon des ONG espagnoles et l'agence européenne Frontext, les Sénégalais sont les plus représentés, avec les Marocains, parmi les migrants arrivés arrivés en 2023 dans l'archipel espagnol des Canaries, l'une des portes d'entrée  de l'Europe. Parmi eux, une grande majorité de jeunes. Un nombre inconnu mais élevé ont péri en mer.

"Macky Sall avait 12 ans pour régler le problème !" (Moustapha Fall)

Pourtant, en novembre dernier, le président Macky Sall avait proposé un plan de lutte contre l'immigration illégale. Mais pour Moustapha Fall, président de l'Association nationale des partenaires migrants (ANPM), ces mesures arrivent trop tard. Au micro de la DW, il explique ce que devrait faire, selon lui, le prochain président pour dissuader ceux qui souhaitent partir. 

Retranscription de l'interview 

DW: Moustapha Fall, bonjour

Moustapha Fall : Bonjour.

DW : Pourquoi les jeunes Sénégalais sont ils de plus en plus nombreux à vouloir quitter le pays en passant par la mer ?

Moustapha Fall : Parce que tout simplement, ils sont désespérés. Ils n'ont aucun espoir de rester au pays parce que rester au pays auprès de tes parents, sans travailler, sans une bonne formation... [ils préfèrent] en tout cas abandonner ce pays, donc prendre les pirogues pour essayer de rejoindre l'Europe, travailler pour accumuler des revenus et faire vivre la famille restée au pays.

DW : Quelle est la tendance actuellement, est-elle en baisse pour ceux qui partent?

Moustapha Fall : Ah non ! Sur l'année, il faut dire que c'est en hausse, absolument. Parce que fin 2023, nous avons véritablement enregistré beaucoup de départs. Parce qu'il y avait beaucoup de perturbations (...) notamment pour des raisons politiques, parce que beaucoup de jeunes ne sont pas d'accord avec les politiques mises en place.

DW : Quelles sont les vraies raisons pour ceux qui tentent de s'en aller ?

Moustapha Fall : Les véritables raisons, c'est les politiques publiques mises en place qui n'ont pas eu la satisfaction envers les jeunes. Beaucoup de jeunes n'ont pas une très bonne éducation, ceux qui en ont ne trouvent pas de travail et du coup beaucoup de jeunes essayent de prendre des barques pour essayer de rejoindre l'Europe

DW : Est ce que les candidats à la présidentielle font de l'immigration l'un de leurs thèmes de campagne ? 

Oui, la plupart des candidats ont abordé ces thèmes, [c'est] inclus dans leur programme. Mais ce ne sont que des discours politiques, des promesses électorales. Nous ne pouvons pas se fier à ces discours. Nous les attendons à l'épreuve.

DW : Que doit faire le prochain président pour mettre fin à cette problématique de l'immigration clandestine ?

Moustapha Fall : Il n'y a pas à chercher de midi à 14h. Donc le problème est là. Nous les connaissons nous tous, nous connaissons le problème. Il n'y a rien à faire que de mettre en place des programmes, donc capable de prendre en charge les préoccupations des jeunes, notamment sur l'emploi et sur l'employabilité. C'est la formation véritablement et mettre en place des mécanismes, donc capable de financer d'un coup les projets des jeunes. 

DW : Le président Macky Sall a ordonné en novembre des mesures d'urgence pour endiguer ce fléau en pleine expansion. Où en sommes-nous aujourd'hui ? 

Moustapha Fall : Le président Macky Sall, il était là pendant douze ans ! S'il voulait véritablement régler le problème, il avait douze ans pour régler ! Il ne lui reste même pas quelques mois, donc il donne des instructions pour endiguer. Non, je suis vraiment désolé, mais ce n'est pas le cas. Il avait douze ans pour véritablement mettre en place des programmes capables de fixer les jeunes au pays. 

DW : Y a-t-il des initiatives pour convaincre les jeunes de rester chez eux à travers des petits projets économiques ? 

Moustapha Fall : En fait, nous, en tant qu'association, nous n'avons pas la prétention de régler tous les problèmes. Mais tant bien que mal, nous essayons d'encadrer les migrants de retour et les jeunes potentiels migrants en essayant de les fixer au pays. Parce que si vous dites aux jeunes de ne pas prendre les pirogues pour aller en Europe, il faut quand même des alternatives économiques.

DW : Comment se fait la prise en charge des victimes de l'immigration au Sénégal ? Avez-vous des structures d'accompagnement ?

Moustapha Fall : Notre association, nous faisons ce travail, nous accompagnons et nous rencontrons des migrants de retour qui sont en difficulté, notamment sur la prise en charge psychosociale. Nous ne sommes pas une organisation étatique. Nous ne sommes qu'une petite organisation de la société civile et nous avons de maigres moyens et nous n'avons pas la prétention de régler tous les problèmes. Ce n'est pas à nous de régler les problèmes, mais en tout cas, c'est à l'Etat du Sénégal de prendre en charge tous ces problèmes. 

DW : Cette semaine, l'Union européenne a signé avec l'Egypte un accord d'aide portant notamment sur des questions migratoires. Mais bien avant lui, il avait conclu le même accord avec d'autres pays de l'Afrique du Nord. Pensez vous que le Sénégal devrait faire pareil ?

Moustapha Fall : Tous ces milliards qui sont investis dans Frontex en vue d'endiguer l'immigration (...), ils pouvaient les investir dans des projets, sur des programmes capables de régler le problème de l'emploi, le problème de la jeunesse ... plutôt que d'investir tous ces milliards dans la forteresse, de manière à dissuader les jeunes à ne pas prendre les pirogues. 

DW : Est- ce que ce sont des opportunités qui manquent pour rester sur place ou c'est simplement l'envie de partir ? 

Moustapha Fall : C'est vrai que j'ai vu beaucoup de jeunes qui avaient du travail, mais par leur position politique (...), ils ont été persécutés et du coup, ces jeunes ont préféré quitter le pays à travers la route du Nicaragua pour essayer de rejoindre l'Amérique. C'est vraiment désolant et nous l'avons dénoncé véritablement.

 

Le PAM risque de devoir cesser son aide aux réfugiés au Tchad

La situation humanitaire est critique pour les réfugiés soudanais et les rapatriés tchadiens qui vivent dans l'est du Tchad.

Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui dépend des Nations unies, essaie d'amasser des vivres pour continuer à venir en aide à plus d'un million de personnes chaque mois, y compris lorsque les camions seront bloqués, pendant la saison des pluies.

Cela alors que le Tchad traverse, pour la cinquième année consécutive, une grave crise alimentaire. Actuellement, 2,9 millions de Tchadiens sont en situation d'insécurité alimentaire, un record historique. Le gouvernement a déclaré l'état d'urgence alimentaire et nutritionnelle au mois de février.

Interview avec Djaounsede Madjiangar (PAM)

La plupart des réfugiés sont venus du Darfour après avoir tout laissé derrière eux à cause de la guerre au Soudan. Or, une seule route est praticable, entre l'est du Tchad et l'ouest du Soudan, pour l'approvisionnement transfrontalier.

Mais ce n'est pas seulement à cause de la boue sur les axes routiers que le Programme alimentaire mondial craint de devoir suspendre son aide aux personnes dans le besoin dès le mois d'avril... C'est à cause du manque de fonds pour maintenir cette aide.

D'où l'appel aux financements à hauteur de 242 millions de dollars, lancé par le PAM aux Etats contributeurs des Nations unies.

Ecoutez ci contre l'interview de Djaounsede Madjiangar, porte-parole du PAM et responsable de sa communication pour l'Afrique de l'ouest et l'Afrique centrale.

"La population pauvre est majoritairement féminine"

Le 8 mars est, depuis 1977 et son officialisation par l'ONU, journée internationale des femmes. Une journée de fête et de revendications dans le monde entier. Avec un thème bien particulier cette année "Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme". A Berlin en Allemagne, ce jour est férié. Au Cameroun, de nombreuses femmes porteront le pagne ce vendredi. Journée festive donc,  avec un fond sérieux.  

"Lutte pour les droits des femmes"

"Le pagne, c'est un terrain, c'est une expression de la commémoration parce que c'est aussi un objet culturel qui est très puissant", disait ce vendredi 8 mars, dans la matinale info de la DW Afrique, Nadine Machikou, vice-rectrice chargée de la recherche, de la coopération et des relations avec le monde des entreprises à l’Université de Yaoundé II. "On sait que pour fêter les événements heureux comme les événements malheureux, on a le pagne (...) Et au delà du pagne, il y a toute la question de la lutte pour les droits des femmes." 

Une lutte essentielle, encore en 2024. Car "la population pauvre est majoritairement féminine", rappelle Nadine Machikou. "On a un seuil d'illettrisme, d'analphabétisme qui est beaucoup plus marqué du côté des femmes."  L'universitaire appelle à des "politiques beaucoup plus ambitieuses" pour régler les "inégalités structurelles". "Il est anormale qu'une femme ne puisse pas accoucher en sécurité", insiste-t-elle. Anormale aussi "qu'une femme soit retenue à l'hôpital parce qu'elle n'a pas les moyens de payer les frais d'hospitalisation après avoir accouché." 

"La féminisation du monde est une bonne nouvelle"

Nadine Machikou évoque aussi l'éducation. "Plus les femmes seront instruites, plus elles pourront avoir accès à des chances, pourront agir de manière plus efficace", insiste-t-elle. Et de revenir à la question du pagne. "La commémoration au delà du pagne, c'est aussi l'engagement. On sait que le gouvernement est engagé, on sait que les acteurs de la société civile le sont aussi, les partenaires multilatéraux et bilatéraux." Et de conclure : "la féminisation du monde est une bonne nouvelle pour le monde.

Débat autour du pagne en RDC

Dans d'autres pays ce vendredi 8 mars, des femmes porteront le pagne. En RDC, un débat a même été lancé autour de cette question. Il a commencé il y a plusieurs semaines déjà, lorsque la ministre du Genre, de la Famille et des Enfants, a invité les femmes à célébrer dans "une attitude de deuil", en s'habillant en noir, en solidarité avec les habitants de l'Est du pays qui vivent dans l'insécurité. 

Le nombre d'ablations du clitoris, d'excisions et d'infibulations en hausse

A la veille de cette journée, l'Unicef a aussi publié des chiffres effrayants, portant sur les mutilations génitales dans le monde. Plus de 230 millions de filles et de femmes en vie aujourd'hui ont subi ces atrocités, rapporte l'ONG. Le chiffre est en hausse de 15% depuis la précédente estimation de 2016. L'Afrique est le continent le plus touché avec plus de 144 millions de victimes, devant l'Asie et le Moyen-Orient. 

Loi anti-LGBTQ+ au Ghana, le président temporise

Au Ghana, une semaine après l’adoption par le Parlement d’une loi anti-LBGTQ+ dénoncée par une partie de la communauté internationale, le président Nana Akufo-Addo dit vouloir attendre que la Cour suprême saisie par un citoyen ghanéen se prononce avant de promulguer ou non la nouvelle législation.

Cette loi punit les "activités homosexuelles" par deux mois à trois ans de prison. Elle criminalise aussi ce qu’elle appelle la "promotion" de l'homosexualité, avec des peines allant de cinq à dix ans de prison. 

Le projet de loi était dans les tuyaux du Parlement depuis déjà trois ans, soutenu par une coalition de chrétiens, de musulmans et de chefs traditionnels. Son objectif affiché est de défendre "les valeurs familiales ghanéennes", dans un pays très religieux

Nana Akufo-Addo
"Je veux vous assurer qu'aucun recul ne sera envisagé ou provoqué", a déclaré le président ghanéennull Michael Kappeler/dpa

Réactions indignées 

Il incombe désormais au président d’y apposer sa signature pour que la loi entre en vigueur. Les députés l’appellent à passer de la parole aux actes. Nana Akufo-Addo est officiellement opposé au mariage gay, il l’a clamé haut et fort depuis son arrivée au pouvoir en 2017. 

Reste que cette nouvelle législation suscite une forte réaction, que ce soit auprès des défenseurs des droits de l’Homme au Ghana, mais aussi à l’international. La loi est "profondément perturbante" et contraire aux engagements du Ghana en matière des droits de l’Homme, selon les Nations unies. Elle "menace les libertés d'expression, de presse et de réunion de tous les Ghanéens" pour les Etats-Unis. Enfin, Human Rights Watch juge le texte "incompatible avec la longue tradition de paix, de tolérance et d'hospitalité du Ghana". 

Pertes financières 

Des critiques viennent aussi des rangs du pouvoir. Le ministre ghanéen des Finances dit craindre des sanctions financières colossales.

Un document interne liste les conséquences économiques en cas d’adoption et parle d’une perte de près de quatre milliards de dollars de financement de la Banque mondiale dans les prochaines années.  

On se souvient que l’institution avait suspendu ses aides à l’Ouganda, l’an dernier, en réaction à la loi homophobe du président Museveni.

Or le Ghana, qui a récemment traversé une des pires crises financières de son histoire, a emprunté des milliards de dollars au Fonds monétaire international et cherche à restructurer sa dette. 

Les droits de l'homme à l'aube de 2024

Tous les regards sont donc tournés vers Nana Akufo-Addo. Celui-ci doit quitter le pouvoir en décembre prochain et pourrait bien passer ce dossier hautement sensible à son successeur, afin de ne pas ternir son image avant son départ. 

L'exil des Camerounais face au manque de perspectives

Si l'Europe est depuis longtemps une destination pour la plupart des Camerounais, un nombre croissant de personnes trouvent désormais aussi des opportunités en Amérique du Nord, notamment au Canada, où les programmes d'immigration favorisent les jeunes migrants.

Au lycée Nyom, un message pour dissuader les jeunes de prendre le chemin de la migration est régulièrement diffusé.

Mais il semble ne pas avoir d’effet. Même les enseignantes comme Josian Minta, 37 ans, ne l'écoutent pas. Elle a déjà tenté de quitter le Cameroun une fois pour la Thaïlande, il y a deux ans. "Nous sommes allées au Nigeria, à Abuja. J'ai dû envoyer mon passeport au Kenya. Un agent m'a dit OK, tout est prêt, votre visa est prêt. Mais quand je suis allée en Thaïlande, à l'aéroport, les agents de l'immigration ont pris mon passeport et ils m’ont demandé comment j'avais obtenu le visa", explique-t-elle.

En dépit de cette mésaventure, Josian Minta avoue mettre actuellement des fonds de côté pour voyager légalement au Canada, où elle pense que de nombreuses opportunités et un meilleur salaire l'attendent. 

Paul Biya
Paul Biya est au pouvoir depuis quatre décennies null Stephane Lemouton/abaca/picture alliance

Crises multiples

L'instabilité dans les régions anglophones séparatistes, le chômage, les mauvaises conditions de travail et les salaires bas sont autant de raisons qui poussent les jeunes Camerounais à partir.

Angeline Fua, 32 ans, travaille dans une pharmacie et son désir de quitter le Cameroun grandit chaque jour. Selon elle, "en tant que pharmacien, nous sommes payés 80.000 francs CFA, alors que dans d’autres pays, comme le Canada et les Etats-Unis, on entend parler de personnes qui reçoivent 500.000 francs ou plus. Par ailleurs, le coût de la vie au Cameroun a également augmenté. Je suis mère de famille, je dois m'occuper de moi. Je dois payer les frais de scolarité des enfants, j'ai mes projets, mais avec ce qu'on gagne au Cameroun, ce n'est vraiment pas possible."

Selon Tumenta Kennedy, consultant international en migration, basé au Cameroun, "faire face aux départs massifs implique des efforts pour s'attaquer aux causes profondes de la migration, telles que l'instabilité politique, les difficultés économiques, le manque d'opportunités d'emplois et, enfin et surtout, les problèmes de sécurité. Pour faire face aux mouvements de masse, il faut s'attaquer aux goulots d'étranglement et à la corruption qui entravent le développement des activités économiques."

Éco Afrique — Le magazine environnemental

Destination Amérique du Nord

Tumenta Kennedy rappelle qu'actuellement, les destinations européennes traditionnelles ont fermé leurs portes aux immigrants potentiels. Selon lui, de nombreux Camerounais préfèrent désormais se diriger vers l'Amérique du Nord. 

Le Canada cherche par exemple des candidats pour travailler dans sa province francophone du Québec. Et en ce qui concerne les Etats-Unis, le Cameroun a déclaré qu’en 2023, le nombre de personnes postulant à la Loterie Visa ou Green Card Lottery, qui délivre des visas d’immigrant, a augmenté de 70 %.

Les transferts financiers de la diaspora africaine sont par ailleurs essentiels au développement du continent. Selon la Banque mondiale, les envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne s’élevaient à 54 milliards de dollars en 2023.

Auteure : Moki Kindzeka

Sénégal : la migration irrégulière fait encore des victimes

Ce nouveau drame de l'émigration irrégulière est survenu ce mercredi (28 février), au large du quartier des pêcheurs de Saint-Louis au Sénégal. La pirogue qui a chaviré aurait accueilli plus de 300 personnes à bord.

Au quartier des pêcheurs de Saint-Louis, c'est toujours la tristesse et la désolation, deux jours après le drame. Jeudi, deux autres corps sans vie ont été  repêchés sur la plage de l'hydrobase et vendredi (1 mars) un autre, alourdissant ainsi le bilan. On compte 27 morts, 21 blessés, dont trois dans un état grave. Un bilan provisoire. 

L'Etat mis en cause

Abdou Teuw, habitant du quartier Gokhou Mbathie, a aidé à sortir des corps de l'eau.Il raconte que "c'est mercredi à midi que nous avons vu les deux premiers corps. Et nous avons aidé les sapeurs-pompiers. 19 corps qu'on a sortis d'un coup de l'eau" a-t-il assuré à la DW.

Selon Abdou "c'est la première fois" qu'un tel drame se produit à la Langue de Barbarie. "C'est très dur et cela nous fait mal, même si nous ne connaissons pas les victimes. Je pense que l'Etat du Sénégal n'a pas assez pris ses responsabilités pour freiner ce phénomène" déplore-t-il.

Un autre habitant du quartier a assisté au drame. Il se désole et souligne le manque de perspectives des jeunes Sénégalais.

"C'est très dur ce à quoi nous  avons assisté et on s'attend à voir d'autres corps surgir dans les jours à venir, car il a été dit que la pirogue transportait 350 personnes. C'est dur, malgré le climat, les jeunes continuent de sacrifier leur vie pour trouver mieux ailleurs. Que les autorités nous viennent en aide. Toutes ces personnes mortes voulaient un avenir meilleur" estime-t-il.

Des riverains tentent de secourir une embarcation après un naufrage au large de Dakar
Les embarcations chavirent régulièrement aux larges des côtes sénégalaisesnull Leo Correa/AP Photo/picture alliance

"Il y a eu une bousculade"

La pirogue a chaviré au large de Saint-Louis, à hauteur du quartier de pêcheurs de Gokhou Mbathie. L'embarcation était partie de Joal, un village de la petite côte. Mamadi Dianfo, est l'un des rescapés, il viens du village de Kanbédou, en Casamance et raconte que l'embacation a "quitté Joal il y a une semaine".

Selon lui, ils sont "allés jusqu'au large du Maroc et les capitaines ont annoncé qu'ils étaient perdus".

Selon toujours Mamadi Dianfo, "nous leurs avons donc demandé de nous ramener au pays. Nous étions 327 dans la pirogue. Il n y a pas eu de perte de vie en cours de route, mais quand nous sommes arrivés au large de Saint-Louis, il y a eu une bousculade et certains ont essayé de sauter pour regagner la rive, mais c'est là que beaucoup se sont noyés. C'est très dur. Certains ont payé 400.000 francs CFA et d'autres 500.000 francs CFA pour voyager."

Face à ce drame, le comité régional de crise a été mis en branle par le gouverneur de la région de Saint-Louis. Il est composé des sapeurs-pompiers, du préfet du département et des différentes composantes des forces de défense et de sécurité.

Des piroges sur une plage
Beaucoup de jeunes au Sénégal cherchent à aller en Europenull Zane Irwin/AP Photo/picture alliance

Les blessés sont pris en charge à l'hôpital de Saint-Louis. Les recherches pour trouver d'autres victimes se poursuivent.

Des candidats au départ toujours nombreux

Ce drame survient quelques mois après le chavirement d'une pirogue de migrants au large de Ouakam (Dakar), en juillet 2023, qui avait fait près d'une vingtaine de morts.

Des interceptions de pirogues transportant des candidats à l'émigration vers l'Europe ont lieu régulièrement dans les eaux territoriales sénégalaises. Le 26 février dernier, la marine nationale annonçait avoir intercepté, à 30 kilomètres au sud de Dakar, une pirogue remplie de 154 migrants, dont cinq femmes et un mineur.

Le 11 février du même mois, elle avait débarqué à la base navale de Dakar 85 personnes, trouvées à bord d'une pirogue en détresse et à la dérive, à 30 kilomètres au sud de Dakar.

RDC : Polémique sur la levée du moratoire sur la peine de mort

Le Conseil supérieur de la défense de République Démocratique du Congo a formulé sa requête contre des militaires qui se rendraient coupables de ‘'trahison'' dans la guerre qui oppose l'armée congolaise FARDC aux rebelles du M23, dans la province du Nord-Kivu.

Jean-Pierre Bemba Gombo est vice-Premier ministre et ministre de la Défense. Voici ce qu'il a annoncé :

‘'Le Conseil supérieur de la défense a demandé au chef de l'Etat de pouvoir lever le moratoire sur la peine capitale, en ce qui concerne les questions de traîtrise des forces de défense et de sécurité."

A la suite de cette annonce, la ministre de la Justice, Rose Mutombo, a présenté, lors du dernier Conseil des ministres, la note d'information relative à la levée du moratoire sur la peine de mort en RDC.

Jean-Claude Katende, avocat et président de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO)
Jean-Claude Katende, avocat et président de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO)null Privat

Une violation de la constitution ?

Cependant, cette initiative est fermement dénoncée par les ONG de droits de l'Homme. La Voix des sans voix pour les droits de l'Homme, la VSV, estime que l'application de la peine de mort est un recul en matière de respect des droits humains.

Pour sa part, Jean-Claude Katende, président de l'Association africaine des droits de l'Homme, l'Asadho, appelle le président Félix Tshisekedi à ne pas  accéder à la demande du Conseil  supérieur de la défense.

''Cette initiative est contraire à la Constitution. Aujourd'hui, l'armée est minée par plusieurs problèmes, donc ce n'est pas uniquement le problème de trahison. De manière générale, c'est un problème de faiblesse de discipline au sein de l'armée.'', déplore Jean-Claude Katende. ''Et nous ne pensons pas que la sanction capitale et l'exécution de cette peine soient des mesures appropriées pour remettre de l'ordre au sein de l'armée."

''La peine de mort n'a aucun effet dissuasif''

Les activistes des droits de l'Homme craignent que la levée du moratoire sur la peine de mort soit un acte avant tout politique. Marie Lina Perez, est responsable Afrique à l'association internationale Ensemble contre la peine de mort.

‘'La peine de mort n'a aucun effet dissuasif. Ici, le risque est que la peine de mort soit instrumentalisée à des fins politiques et populistes, afin de donner une réponse rapide à la population qui souffre de cette guerre dans l'est ( de la RDC), mais en aucun cas l'exécution des ''traitres'' ne viendra améliorer  la situation.'', a insisté Lina Perez.

Des militaires congolais assis sur un pick-up près de Goma (archive de 2022)
Le Conseil supérieur de la défense a formulé sa requête contre des militaires qui se rendraient coupables de trahisonnull Arlette Bashizi/AFP/Getty Images

Certains Congolais estiment toutefois que cette mesure enverrait un signal fort aux potentiels criminels et pourrait contribuer à imposer l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du pays.

Mais la perspective que la levée du moratoire sur la peine de mort puisse aider à éteindre un conflit qui, dans l'est du pays, dure depuis trois décennies, semble encore hypothétique.

En Guinée, un boycott numérique des institutions

C'est une campagne de protestation digitale qui se déroule en Guinée depuis mercredi 24 janvier. Des centaines de personnes se désabonnent des comptes Facebook des institutions de l'Etat, pour exprimer leur indignation face à une censure qui dure depuis plusieurs mois. Tout est parti d'une publication humoristique d'un internaute sur Facebook, exprimant le rêve de voir les citoyens se désabonner des pages des décideurs d'un village, où les dirigeants dictateurs auraient coupé internet. 

Traduction de l'exaspération des Guinéens face aux restrictions imposées par les militaires depuis le 24 novembre, le post devient alors viral sur les réseaux sociaux et l‘initiative rassemble tout de suite de nombreux soutiens. "Il faut d'abord se désabonner pour permettre à la personne de perdre son audience et ensuite signaler la page", explique sur la DWAissatou, une activiste guinéenne vivant hors du pays. Et de poursuivre : "Nous voyons tout le temps les officiels partager des trucs sur Facebook. Chacun d'entre eux a une page personnelle ou une page sponsorisée, sur laquelle ils communiquent sur leurs activités. Nous ciblons ces pages pour leur faire sentir ce que nous ressentons". 

Et cela fonctionne. En Guinée, mais aussi à l'étranger, la campagne est assez suivie. Le mot d'ordre circule et fait des émules. "J'étais connectée, j'ai vu que la campagne a été lancée pour le désabonnement de plusieurs pages, comme celles de la présidence, de l'ARPT (Autorité de régulation des postes et télécommunications) et du ministère de la Communication", raconte Thérèse, une jeune femme de Conakry. "Sept pages étaient concernées au total. J'ai tout de suite partagé la publication et je me suis déconnectée des pages auxquelles j'étais abonnée."

"Quelles restrictions ?" 

Un mouvement vis-à-vis duquel le gouvernement guinéen fait mine d'être impassible. " Ils ont dit qu'ils vont se désabonner, il n'y a pas de problème", déclare le porte-parole, Ousmane Gaoual Diallo, qui est aussi ministre de l'Economie numérique. "Ils n'ont qu'à capturer le nombre d'abonnés que nous avons sur nos pages et en fin de semaine, ils capturent ce qui reste, puis ils concluent", poursuit-t-il. Quant à savoir quand seront levées les restrictions, le ministre botte en touche. "Mais qui vous a dit qu'il y a avait restriction ?", interroge-t-il.

"La réaction du porte-parole du gouvernement s'inscrit dans la ligne habituelle qu'ils ont toujours eue", commente Alpha Diallo, le président de l'Association des blogueurs de Guinée. Pour lui, cette réaction des autorités traduit un dédain vis-à-vis de l'exaspération de la population. "C'est une volonté de ne pas reconnaitre la réalité. Mais cela montre aussi que les actions d'exaspération que les citoyens sont en train de mener ont un impact et sont visibles."  Des nombreux internautes promettent d'ailleurs d'intensifier la campagne de boycott des pages officielles des autorités guinéennes et d‘en faire le bilan dans les prochains jours. 

Danièle Darlan reçoit un prix pour les droits humains

Le prix franco-allemand pour les droits de l’Homme encourage les personnes qui se sont distinguées en matière de défense des droits humains à travers le monde. L’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle centrafricaine, s’était opposée à la réforme de la Constitution voulue par le président Faustin Archange Touadéra. 

Danièle Darlan est la première lauréate centrafricaine de ce prix qui a été attribué, mardi (23.01.2024) soir à Bangui, par les ambassadeurs d’Allemagne et de France. Elle avait déjà reçu un prix semblable des autorités américaines, en 2023.

Selon elle, il s’agit là d’une reconnaissance de son travail pour la défense du droit. Elle encourage les juges constitutionnels en Afrique et dans son pays à l’imiter. 

 

Danièle Darlan : Ce prix est une récompense et la reconnaissance de ce que peut être. J'ai apporté quelque chose à la démocratie dans notre pays.

Ecoutez l’interview de Danièle Darlan

 

DW : En Afrique, les élections se jouent aussi au niveau de la Cour constitutionnelle ; ce qui jette un peu du discrédit sur le processus démocratique en Afrique. En votre qualité de professeur et praticien de droit, comprenez-vous les critiques faites au cours ou Conseil constitutionnel dans le traitement des litiges électoraux ?

C'est normal. Vous savez que lorsqu'un juge rend une décision, forcément, vous avez toujours quelqu'un qui n'est pas content. Celui à qui la décision ne plaît pas, donc à partir de ce moment-là, va apporter des critiques. Le juge intègre ça, quand il rend une décision, il sait qu'il n'est pas là pour plaire à tout le monde, il est là pour dire le droit. Donc à partir de ce moment-là, il faut simplement qu'il dise le droit, qu'il se conforme à ce droit et qu'il ne se préoccupe pas des critiques de ce qui pourrait arriver par la suite parce que certains ne sont pas contents. Parce qu'à partir du moment où vous avez peur de recevoir des critiques, vous n'êtes plus objectif, vous ne faites plus correctement votre travail parce que vous avez peur d'appliquer la loi. Or c'est votre travail. Donc en ce qui concerne les critiques, que ce soit dans n'importe quel pays, regardez même dans des pays développés qu'on dit des pays démocratiques. Quand l'institution juridictionnelle rend une décision, il y a toujours des critiques, donc ça il ne faut pas avoir peur de la critique, c'est normal.

Maintenant, ce qui est important je pense pour le juge, c'est de savoir qui se conforme au droit. A partir du moment où il a sa conscience tranquille, je crois que c'est ça qui est important.

 

En quoi ce prix peut stimuler la conviction ou la lutte en faveur des valeurs démocratiques en Centrafrique ?

Je l'espère, parce que, à partir du moment où dans nos Constitutions, nous avons opté pour le système démocratique, il faut que l'on se situe dans ce cadre-là. Parce que si on ne se situe pas dans ce cadre-là, on sort de la Constitution, on la viole. Donc, à partir de ce moment-là, il est important, je pense, de d'abord respecter la Constitution.

Danièle Darlan : "J’avais protégé la constitution en n'appliquant que la loi..."

Amnesty appelle à la libération de Daouda Diallo au Burkina

Les voix indépendantes et discordantes continuent à être réprimées au Burkina Faso, depuis le coup d’Etat militaire de 2022.  

Dans un nouveau communiqué,  Amnesty International appelle les autorités burkinabè à libérer le défenseur des droits humains, Daouda Diallo, enlevé et gardé dans un lieu inconnu par des agents de sécurité depuis le 1er décembre 2023.  

L’arrestation et l’enrôlement forcé du secrétaire général du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation communautaire, n’est pas une première au Burkina Faso.

Depuis avril 2023, plus d’une douzaine de militants et défenseurs des droits humains, ainsi que des journalistes critiques à l’égard des militaires au pouvoir, ont été enrôlés de force, en vertu d’un décret "sur la mobilisation générale et la protection", déplore Amnesty International.

Les droits de l’Homme bafoués

Pour Maître Ségui Ambroise Farama, l’un des avocats de Daouda Diallo, "la situation des droits de l’Homme aujourd’hui au Burkina Faso se dégrade. Daouda Diallo est sur le théâtre des opérations. Il est entre les mains des forces de défense et de sécurité, et il participe à la défense du territoire national. On sait très bien où il est. Il n’a pas de contact direct avec le monde extérieur, mais nous avons eu quand même des informations sur ses différents déplacements. Il faut veiller à ce que les droits des citoyens burkinabè puissent être respectés."

Ecoutez le sujet...

Le fameux décret d’avril 2023 "sur la mobilisation générale et la protection" autorise la mobilisation de la plupart des adultes burkinabè. Mais le processus de conscription n’est pas clair et le nombre de conscrits n’est pas public, pas plus que les options permettant de les contester, précise Amnesty International.

La mobilisation générale reste chaotique 

Le 6 décembre 2023, un tribunal de Ouagadougou, répondant à une plainte déposée par trois conscrits contre leur ordre de réquisition, a jugé leur conscription illégale et a ordonné leur suspension.  

Le tribunal a également ordonné à l’armée de s’abstenir immédiatement d’exécuter ces ordres, mais en vain. 

Amnesty International appelle les autorités militaires à respecter, protéger, promouvoir et garantir les droits humains de toute personne dans le pays.  

L’organisation condamne l'utilisation discriminatoire du décret d'avril 2023 sur la mobilisation nationale pour recruter des voix publiques indépendantes au Burkina Faso. 

Soudan : de nouveaux massacres au Darfour occidental

La guerre au Soudan est souvent citée dans une même phrase avec les conflits en Ukraine ou à Gaza, comme l'un des conflits armés les pires au monde.

Depuis avril 2023, les paramilitaires, alliés à des milices arabes, affrontent l'armée soudanaise : des combats qui auraient plus de 10.000 victimes, selon l'Onu.

Dans la région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, les violences ont pris une tournure ethnique qui aggravent une situation humanitaire déjà alarmante au bout de vingt ans de guerre civile.

Une mortalité multipliée par vingt

En juin 2023, le chef-lieu du Darfour occidental, el-Geneina, est tombé aux mains des paramilitaires des FSR conduits par le général Mohammed Hamdane Daglo, allié avec des milices arabes.

L'ONG Médecins sans frontières, qui intervient des deux côtés de la frontière, au Soudan et au Tchad, a constaté deux exodes massifs en juin et en novembre. (Ecoutez ci-contre l'interview de Claire Nicolet, de MSF)

Interview de Claire Nicolet (MSF)

La mortalité a été multipliée par vingt dans la région depuis le début de la guerre, en avril.

La communauté massalit particulièrement visée

Rien qu'à el-Geneina, des experts de l'Onu ont recensé "entre 10.000 et 15.000" personnes tuées depuis avril 2023. Les personnes visées seraient majoritairement des hommes de la communauté massalit.

MSF a pu interroger des patients et des réfugiés. Claire Nicolet, responsable des programmes d'urgence de Médecins sans frontières (MSF) pour le Soudan, relate leur calvaire : "Ils s'étaient fait tirer dessus sur la route. D'autres se sont aussi fait battre sur la route ou à l'intérieur de la ville d'el-Geneina. Ils décrivaient entre le mois d'avril et le mois de juin des combats assez intenses et le ciblage de certaines populations qui étaient visées. Ainsi que des cas de violences sexuelles à des points de passage, utilisées comme monnaie d'échange pour pouvoir continuer la route."

Scène d'incendie à al-Fasher, capitale du nord-Darfour (archive de septembre 2023)
Toute la région du Darfour est en proie à des violencesnull AFP

L'urgence humanitaire

Les combattants ont également détruit, pillé et incendié des infrastructures civiles : des écoles, des mosquées.

MSF, qui a de nouveau accès aux lieux, a constaté que plusieurs camps de déplacés du Darfour occidental ont été détruits aux alentours d'el-Geneina. La situation humanitaire est alarmante.

Les experts de l'Onu accusent les paramilitaires et les milices arabes de violations pouvant relever de "crimes de guerre" voire de "crimes contre l'humanité".

"L'aspect  nourriture est l'une de nos grandes inquiétudes, en plus des abris, de l'eau et de l'accès à la santé", précise Claire Nicolet qui rappelle que les blessés ne représentent qu'une partie de la réponse médicale, mais que le gros des besoins se concentre sur les femmes enceintes, les maladies chroniques, la pédiatrie.

Or, au Soudan, la population n'a quasiment plus accès aux soins de santé.

Côté tchadien, les capacités des infrastructures sont dépassées en raison de l'afflux régulier de nouveaux réfugiés.

Quant au financement de l'aide, le bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'Onu estimait, en décembre, que seuls 33% du plan de réponse étaient couverts pour le moment.

Niger, la "porte du désert" rouverte pour les migrants

Les visages couverts de turbans pour se protéger du soleil et du sable, les doigts agrippés à de sommaires bâtons de bois pour éviter une chute depuis les véhicules qui traversent le désert, 35 à 40 migrants entassés à l'arrière des pickups : c'est le spectacle auquel on assiste à la principale gare routière d'Agadez, depuis l'abrogation, en novembre 2023, de la loi de 2015 pénalisant le trafic de migrants.

Gros plan de migrants à l'arrière d'un pickup
Privés de leur revenu par la loi de 2015, une partie non négligeable de passeurs se sont reconvertis dans d'autres trafics ou le vol à main armée. null Jerome Delay/dpa/picture alliance

"Les gens ont applaudi à cette abrogation de la loi", se rejouit Aboubacar Halilou, un des passeurs présents. 

"Maintenant, tu peux prendre des passagers sans problème, tu peux aller où tu veux. Mais avant, ce n'était pas facile. C'était comme si on te voyait avec de la drogue : tu étais poursuivi par les autorités, incarcéré dans les prisons, parce que suite à ça beaucoup de personnes ont été arrêtées. Il y a beaucoup de personnes qui ont perdu leur boulot", confirme le passeur.

Turbans, sachets d'eau, cigarettes… les marchands ambulants et les cambistes se pressent autour des véhicules pour les derniers achats et le changement de devises avant un long et dangereux voyage à travers le Sahara. 

Un périple dangereux, car les transporteurs évitent le convoi militaire hebdomadaire qui fait route vers le Nord. Encore méfiants vis-à-vis des autorités, ils préfèrent emprunter les voies clandestines, au mépris des risques, explique Mohamed Anacko, le président du Conseil régional d'Agadez.

"A l'heure actuelle, tout est facilité pour les migrants"

Nous retrouvons plusieurs migrants au quartier "Pays-Bas", où ils attendent leur départ dans ce qu'on appelle un "ghetto" : une maison discrète où les passeurs hébergent leurs clients. 

Pendant que les femmes, certaines accompagnées de leurs enfants, préparent en cuisine le déjeuner pour la dizaine de migrants présents, les jeunes, dont Youssouf Sakho, un Ivoirien, discutent de la suppression de la loi qui criminalisait le trafic de migrants.

"On peut dire que ça a facilité beaucoup de choses pour nous. Parce qu'avant, quand on quittait Agadez, on avait peur que les autorités nous fassent arrêter ou bien que la population même nous demande si nous étions des migrants. Mais à l'heure actuelle, tout est simple. Tout est facilité pour les migrants, ils voyagent normalement, ils traversent vers la Libye, vers l'Algérie aussi", confirme Youssouf Sakho.

Le reportage de Nafissa Amadou

Pour aller en Libye, Youssouf a donné son téléphone et 300.000 francs CFA, soit environ 500 euros, à son passeur. Il confie tout de même qu'il n'a pas une totale confiance en son passeur. Car certains migrants découvrent à leur arrivée en Libye que l'argent versé au passeur n'a pas été remis au chauffeur, et ils sont retenus jusqu'au paiement de leur dette. Et les chauffeurs qui empruntent les routes clandestines n'hésitent pas à abandonner leurs passagers dans le désert s'ils sont pris en chasse par des bandits ou les forces de l'ordre. 

C'est pour cela que plusieurs associations, dont l'ONG Alarme Phone Sahara, qui secourt les migrants égarés dans le désert, travaillent pour convaincre les passeurs clandestins d'éviter les routes secondaires, bien plus dangereuses pour les migrants. 

Explusions de migrants : "Oui" pour les députés britaniques

Après 48 heures de débats sous tension et de tractations politiques, le projet de loi, qui autorise le transfert au Rwanda de demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni, a été finalement approuvé en troisième lecture à la Chambre des Communes avec 320 votes pour et 276 contre. 

Un succès pour le Premier ministre britannique, mais une déception pour ceux qui estiment que ce projet vise à décourager l'afflux de migrants vers le Royaume-Uni, et ne devrait surtout pas profiter au Rwanda.

Un pays où des journalistes, des militants de l’opposition, ainsi que d’autres personnes qui critiquent le gouvernement font l’objet de poursuites abusives, de disparitions forcées, ou sont parfois retrouvés morts dans des circonstances inexpliquées, selon Human Rights Watch

Image d'un protestataire contre la loi d'expulsion de migrants vers le Rwanda
358 migrants sont arrivés au Royaume-Uni sur une seule journée , selon les chiffre du ministère de l'Intérieur.null Kirsty Wigglesworth/AP Photo/picture alliance

Des faits que confirment l'opposante rwandaise Victoire Ingabire "je le vis chaque jour. Huit membres de mon parti politique sont en prison depuis plus de deux ans, sans jugement, pour avoir lu un livre qui s’intitule : Comment faire tomber une dictature quand on est seul, tout petit et sans arme", ajoute l'opposante jointe à Kigali par la DW.

"Cette loi est inhumaine"

Ce texte, adopté mercredi (17.01), vise à répondre aux objections de la Cour suprême britannique qui a jugé le projet illégal dans sa version précédente, par crainte notamment pour la sécurité des demandeurs d'asile envoyés au Rwanda.

Selon le projet, ces demandeurs d'asile, d'où qu'ils viennent, verront leur dossier examiné au Rwanda et ne pourront pas retourner au Royaume-Uni en cas de refus de leur demande.  

Lors de son examen, des dizaines de députés conservateurs ont soutenu, sans succès, des amendements visant même à durcir le texte. Ils ont tenté notamment de limiter le droit des migrants à faire appel de leur expulsion. 

Ce qui fait dire à Victoire Ingabire que cette loi est inhumaine."Parce qu’ici on parle des gens et non des marchandises. Quand je suivais le débat, on aurait cru qu’on parlait de marchandises. Pourtant, on parle bien d’êtres humains qui ont besoin d'une protection."

L'opposante compte sur la possibilité de recours probables devant la Cour européenne des droits de l'Homme. "J'espère que la Cour européenne des droits de l'Homme va protéger les réfugiés qui ont besoin d'être protégés."

Les explications de Bob Barry

Mais selon le spécialiste des droits humains, Gerd Hankel, il y a un risque que le Royaume- Uni choisisse de ne plus reconnaître la Cour européenne des droits de l’Homme. 
"Ça dépend de la volonté de coopérer avec la Cour. Si la Grande-Bretagne dit : nous ne coopérons plus avec la Cour, on quitte même cette convention, alors, à ce moment, la Cour n'est plus compétente et dans ce cas, il n'y a plus aucun recours", affirme Gerd Hankel.

Après avoir quitté l’Union européenne en 2020, le Royaume-Uni pourrait alors faire un pas supplémentaire en ne reconnaissant plus l’autorité de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui dépend du Conseil de l’Europe et est basée à Strasbourg, en France.

Que dit le rapport de HRW sur la situation des droits de l'Homme au Sahel ?

Attaques contre la liberté d'expression, exactions, répressions, mariages forcés, intimidation… L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch a publié ce jeudi 11 janvier,  son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Une situation qui reste peu reluisante dans plusieurs pays et notamment ceux du Sahel.

Difficile d'être une voix critique au Burkina

Au Burkina, il est question de détérioration de la situation des droits de l'Homme imputée à l'armée et à ses supplétifs des VDP, les volontaires pour la défense de la patrie, mais le rapport mentionne aussi des actions pour rendre justice aux victimes, comme celles de Karma en avril 2023, où 156 civils avaient été massacrés.

HRW revient également sur les réquisitions forcées de citoyens pour aller combattre des terroristes au front.

Ilaria Allegrozzi, chercheuse pour Human Rights Watch, donne l'exemple de l'activiste Daouda Diallo dont on est sans nouvelle depuis une quarantaine de jours.

" Il y a eu une multiplication d'attaques meurtrières par les groupes armés islamistes et une intensification des opérations militaires engendrant souvent des abus envers les civils. On a également observé un rétrécissement de l'espace civique et des mesures répressives contre les médias et les dissidents", explique à la DW Ilaria Allegrozzi.

"On a observé un rétrécissement de l'espace civique"

Un point positif au tableau tout de même, le 16 février, l'Assemblée législative de transition du Burkina Faso a adopté un projet de loi pour renforcer le rôle des prévôts, responsables de la discipline dans les forces armées.

Ceci permettra une meilleure protection des droits des détenus lors des opérations militaires et dans les campements militaires et contribuera à améliorer l'obligation de rendre des comptes lors d'atteintes aux droits humains, selon HRW.

Des restrictions aussi au Niger

Arrestations, menaces, harcèlement… Selon HRW, depuis les coups d'État, la liberté d'expression a été restreinte et l'espace politique s'est rétréci également au Niger avec l'interdiction des activités des partis politiques et des interpellations de plusieurs membres du gouvernement déchu et de ses partisans.

Selon Hamani Assoumane, coordonnateur du Collectif de défenses des droits humains au Niger, "au temps même de l'ancien régime, sous couvert de la lutte contre le terrorisme, il y a eu l'avènement d'un certain nombre de lois… la loi sur la cybercriminalité (…) pour dire que la restriction ne date pas d'aujourd'hui ".

Hamani Assoumane assure que depuis un certain temps, le combat consiste désormais à inciter les autorités à réformer certaines lois jugées liberticides pour qu'elles soient conformes aux standards internationaux.

"Les restrictions ne date pas d'aujourd'hui "

Les groupes armés mis en cause

S'il est beaucoup question des restrictions émanant des autorités au Sahel, HRW ne passe pas non plus sous silence les violences et agressions des mouvements armés comme le Groupe de soutien de l'islam et des musulmans, allié à Al-Qaïda, et l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) qui sévissent dans la région.

Dans le cas du Mali, l'organisation de défense des droits de l'Homme évoque par exemple, la période de janvier à avril, dans les régions de Ménaka et de Gao, où des affrontements entre l'EIGS et le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans, qui tous deux cherchaient à contrôler les voies d'approvisionnement et à accroître leurs zones d'influence, ont entraîné une détérioration de la situation sécuritaire.

Ces groupes sont par ailleurs également accusés de meurtres, de viols et d'extorsions... entre autres violences.

L'homophobie en hausse en Afrique

Amnesty International vient de publier un rapport sur les stigmatisations et persécutions que subissent les personnes homosexuelleset, plus largement, de la communauté LGBTI+ dans douze pays d’Afrique. Le constat est accablant : les discriminations par la loi, les sanctions et les violences subies par ces personnes étaient en hausse en 2023.

Des arsenaux juridiques répressifs

Les droits des personnes LGBTI+ sont en régression dans le monde. La rhétorique homophobe, les discours de haine et la violence dirigés contre les personnes homosexuelles se propagent. Ils sont de plus en plus visibles, notamment, sur les réseaux sociaux. Les appareils juridiques se durcissent, aussi, dans de nombreux pays.

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En Ouganda, par exemple, une personne suspectée d’homosexualité et qui aurait déjà été condamnée pour ce type de pratiques encourt désormais la peine de mort.

Evariste Ndayishimiye attise les tensions

Au Burundi, le Code pénal a été durci en 2017 et la loi prévoit des amendes et jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour "pratiques homosexuelles ou incitation aux pratiques homosexuelles". Or, comme le déplore Sébastien Tüller, responsable de la commission LGBTI+ à Amnesty International France, ces dispositions juridiques sont alimentées par des discours homophobes du chef de l’Etat, Evariste Ndayishimiye, qui amplifient les violences envers les personnes LGBTI+.

"On est effectivement en lien sur le terrain avec de nombreux militants et militantes LGBTI+ ou même des militants pour l’égalité, déclare Sébastien Tüller au micro de la DW. Pour le Burundi, on a suivi l’arrestation d’une vingtaine de personnes arrêtées alors qu’elles assistaient à un atelier sur le VIH-Sida, donc sur la santé. Elles ont toutes été accusées d’homosexualité et d’incitation à la débauche. 19 personnes ont été acquittées et certaines sont toujours en détention. Les autorités ont déjà indiqué qu’elles feraient appel de ce jugement."

Sébastien Tüller souligne que "quand on dénonce des discours publics homophobes, il faut bien voir que cela a des répercussions bien réelles sur la vie des personnes."

La mode "queer inclusive" trouve un espace sûr au Nigeria

Violences concrètes : viols, castrations...

Le rapport d’Amnesty International souligne qu’en-dehors des lois qui discriminent les personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, il existe aussi de nombreuses pratiques de persécutions et de violences concrètes dont sont victimes les personnes LGBTI+.

Les témoignages recueillis par l'ONG font état "notamment des castrations, les vérifications génitales, des thérapies dites "de conversion", c’est-à-dire destinées à modifier l’identité de genre ou l’orientation sexuelle d’une personne", précise Sébastien Tüller.

Il ajoute qu'"il y a aussi la promotion de tests anaux qui s’apparentent à de la torture qui viseraient à établir l’homosexualité d’une personne".

C'est pourquoi, précise-t-il, "Amnesty International demande à ce qu’on arrête ces pratiques de torture et que les Etats s’engagent enfin à appliquer leur propre constitution, leurs propres traités, la Charte des droits et des peuples africains et les traités des Nations unies que chaque Etat s’est engagé à appliquer dans son pays."

David Gakunzi plaide pour davantage de tolérance

Pour Amnesty International il faut commencer par changer la loi, afin que dans un second temps les mentalités puissent évoluer vers moins de persécutions et davantage de tolérance dans les sociétés.

Quel rôle pour un président ?

David Gakunzi, intellectuel burundais en exil, reconnaît que l’homophobie est une réalité au Burundi, comme ailleurs en Afrique. Mais selon lui, les propos violents du président Ndayishimiye fin 2023, qui allaient jusqu’à légitimer la "lapidation" des homosexuels, ont choqué une partie de ses concitoyens : "Beaucoup ont estimé qu’il n’appartient pas à un président de se prononcer sur qui doit faire quoi avec qui dans un lit, que le rôle d’un président est de s’occuper de l’économie et de la bonne gouvernance d’un pays."

L'homophobie comme instrument de diversion

Par ailleurs, David Gakunzi note que l’homophobie tend à "devenir un marqueur idéologique de tous les régimes autoritaires". Avant de poursuivre : "Et deuxièmement, je dirais que l’homophobie permet d’éclipser toutes les questions fondamentales qui traversent la société, notamment de pauvreté, de misère. Le Burundi se porte très  mal actuellement, notamment au niveau des droits économiques, sociaux et politiques."

"L'homosexualité a toujours existé en Afrique"

Quant au tabou que reste l’homosexualité au sein de la société burundaise, David Gakunzi en appelle à une meilleure éducation.

"On entend beaucoup de gens dire que l’homosexualité aurait été importée de l’Occident. Affirmer cela, c’est faire preuve d’une méconnaissance crasse de l’histoire et de l’anthropologie africaine, déplore l'écrivain. L’homosexualité a toujours existé en Afrique".

Difficile d'être LGBTQ + au Ghana

David Gakunzi cite divers exemples comme "le roi Kabaka Mwanga en Ouganda [qui]  assumait publiquement son homosexualité. Il y a aussi des exemples de communautés d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe où la pratique homosexuelle et même la coexistence étaient acceptées. Par contre, je dirais que c’est l’homophobie qui est arrivée avec la colonisation. Parce qu’on l’oublie souvent mais les premières lois homophobes datent de la colonisation."

Le faux argument religieux

Pour réfuter les arguments religieux avancés par le président Ndayishimiye contre les personnes homosexuelles, David Gakunzi rappelle que Desmond Tutu lui-même, archevêque sud-africain prix Nobel de la paix, déclarait qu’il ne fallait pas prendre au pied de la lettre tout ce qui est écrit dans la Bible :

"Il y a aussi des passages dans la Bible qui disent que l’esclavage est normal.  […] Et puis on ne peut pas se prétendre panafricaniste et vouloir persécuter les gens pour ce qu’ils sont : nos frères parce qu’ils sont homosexuels ou nos sœurs parce qu’elles sont lesbiennes. […] L’homosexualité n’est pas une maladie, elle ne s’attrape pas."

David Gakunzi est l'auteur de "Ce rêve qui dure encore", ouvrage paru en 2023 chez Temps universel.

L'UE entend faire aboutir sa réforme de l'asile en 2024

En Europe, la barre du million d’arrivées de demandeurs d’asile pourrait être franchie cette année, selon l'Agence européenne pour l'asile (AEEA). Il s'agit du chiffre le plus élevé depuis 2015-2016, lorsque la chancelière allemande, Angela Merkel,  lançait son fameux "Wir schaffen das!", "Nous y arriverons !", face à des centaines de milliers de personnes fuyant notamment la guerre en Syrie.

Depuis le premier janvier, plus de 350.000 personnes sont entrées dans l'Union européenne de manière irrégulière, d’après l'agence européenne de surveillance des frontières, Frontex. 

Et cette tendance devrait se poursuivre en 2024, malgré les dangers, souvent mortels, que représentent les différentes routes migratoires, notamment par la mer. Selon Catherine Woollard, directrice du Conseil européen pour les réfugiés (ECRE), regroupant une centaine d'ONG, "Il y a un nombre record de personnes déplacées dans le monde et nous nous attendons à ce qu'une partie de ces personnes, un petit pourcentage si nous regardons les chiffres, continue à chercher une protection en Europe. Il est donc probable que l'année prochaine, près d'un million de personnes chercheront une protection et que la plupart d'entre elles en auront effectivement besoin."

Des fils barbelés entourant un aéroport
L'accord politique obtenu sur les cinq textes de cette réforme devra encore être officiellement approuvé par le Conseil et le Parlement européens.null Daniel Kubirski/picture alliance

Pacte sur la migration et l’asile 

Un autre expert, David Kipp, en charge de la politique migratoire allemande et européenne à la Fondation Science et Politique à Berlin, ne voit "actuellement aucun signe de changement de tendance" puisque le nombre de crises augmente au lieu de diminuer dans le monde entier. 

Les arrivées sont toutefois gérables, note Catherine Woollard. La guerre en Ukraine l’a bien montré, puisque plus de 4 millions d’Ukrainiens bénéficient aujourd’hui d'une protection temporaire dans l'UE.  

C’est pourtant bien des politiques plus restrictives qui se dessinent avec le nouveau pacte migratoire, qui pourrait être adopté avant les prochaines élections européennes en juin. 

La réforme prévoit entre autres, des centres de détention aux frontières extérieures de l’UE ou seraient traitées les demandes de personnes ayant peu de chances d’obtenir l’asile. Le règlement de Dublin doit également faire place à un mécanisme de solidarité obligatoire entre les États membres, pour soulager des pays du sud comme l'Italie ou la Grèce. 

"Avec la responsabilité accrue des pays aux frontières de l’UE nous nous attendons à ce qu'ils réagissent en procédant à davantage de refoulements et de rejets aux frontières, affirme Catherine Woollard. Malheureusement, la situation que nous observons déjà, à savoir l'empêchement violent de l'accès aux frontières, risque donc de perdurer."

Des migrants interceptés en Méditerranée débarquent au port de Sfax
La Tunisie est devenu l'un des principaux pays de départ vers l'Italie et l'île de Lampedusanull Ferhi Belaid/AFP/Getty Images

Virage à droite 

L’UE veut aussi miser sur des accords migratoires avec des pays d’origine ou de départ des migrants. Bruxelles cherche ainsi à renforcer son partenariat avec la Tunisie, devenue l’un des principaux pays d’embarquement pour la traversée de la Méditerranée vers l’Italie. 

Par ailleurs, d’autres partenariats, comme avec le Niger, un pays de transit, s’érodent au gré des instabilités politiques. La junte militaire a ainsi abrogé la loi anti-passeurs soutenue depuis plusieurs années par l’UE.

Pendant ce temps, de nombreux pays européens prennent des virages à droite de plus en plus serrés et les partis qui prônent des discours anti-immigration se renforcent. L’extrême droite a remporté un succès inedit aux législatives aux Pays-Bas, en France, le gouvernement est accusé de consacrer le concept de préférence nationale dans la nouvelle loi sur l’immigration, tandis qu’en Allemagne, Berlin veut accélérer les expulsions, qu'il s'agisse de demandeurs d'asile déboutés ou de migrants en situation irrégulière.

"Nous devons enfin expulser à grande échelle ceux qui n'ont pas le droit de rester en Allemagne. Nous devons expulser plus, et plus rapidement", a clairement expliqué le chancelier Olaf Scholz au magazine Der Spiegel

La Tunisie, pays de départ hostile sur la route vers l'Europe

Selon les chiffres du gouvernement italien, près de 146.000 personnes sont arrivées en Italie par bateau entre janvier et novembre de cette année. C'est une hausse de 65% par rapport à la même période en 2022.   

La moitié de ces personnes sont parties des côtes tunisiennes.  

 L’île italienne de Lampedusa n’est qu’à environ 130 kilomètres de Sfax, une ville côtière de l’est de la Tunisie.  

Si les départs ont fortement augmenté, les interceptions des garde-côtes tunisiens également. 

Près de 70.000 personnes ont été empêchées de poursuivre leur route, soit le double par rapport à l’année dernière.  

L'un de ces migrants est Enosso, originaire du Burkina Faso. Il n’a pas voulu donner son vrai nom et a expliqué être arrivé en Tunisie il y a trois mois. Il aurait tenté de rejoindre l’Italie à deux reprises. "A chaque fois, cela m'a coûté environ 1.000 euros", explique-t-il.  

Sa première tentative s'est terminée après avoir parcouru seulement sept kilomètres, la seconde, douze kilomètres. 

 

Des migrants interceptés sont retournés à Sfax
En juillet, après la mort d'un Tunisien lors d'une rixe avec des ressortissants d'Afrique sub-saharienne à Sfax, des centaines d'entre eux ont été arrêtés dans la villenull Ferhi Belaid/AFP/Getty Images

De plus en plus de départs de migrants subsahariens  

Enosso fait partie des nombreux Africains subsahariens à avoir embarqué en Tunisie cette-année. La part des non-Tunisiens est de plus en plus élevée, soit 78% contre 59% l’an dernier, d’après les autorités tunisiennes.  

Hager Ali, chercheur au sein du groupe de réflexion allemand Institute for Global and Area Studies (GIGA), explique qu’il s’agit d’un reflet de la situation politique dans les pays d’origine 

Selon elle, "une grande partie des migrants interceptés sont des citoyens de pays comme le Burkina Faso, le Mali, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Soudan, l'Erythrée et la Libye. Il s'agit de pays qui, au cours des deux dernières années, ont connu une recrudescence des coups d'Etat militaires et une volatilité politique et économique, une violence extrême, des persécutions, des déplacements internes. Beaucoup ont donc quitté ces pays, se sont rendus en Tunisie, s'y sont installés et y ont travaillé pendant un certain temps."  

Si le Burkinabè Enosso explique que "les garde-côtes tunisiens n'ont pas été violents" et l’ont simplement ramené à Sfax, l’ONG Human Rights Watch a documenté de nombreux cas de mauvais traitements et d'expulsions collectives pendant et après les interceptions de bateaux.

Le président tunisien Kais Saied lors d'une visite à Ariana, en Tunisie
Les départs des migrants ont connu une accélération après un discours fin février du président tunisien Kais Saied, dénonçant l'arrivée "de hordes de migrants clandestins" null Tunisian Presidency/APA Images/ZUMAPRESS.com/picture alliance

Diatribes racistes du président tunisien  

Plus généralement, la situation des migrants en Tunisie s'est détériorée tout au long de l'année, en même temps que la situation politique et économique. En février, le président Kais Saied avait déclenché une vague de violence contre les migrants subsahariens, en prônant des théories proches du grand remplacement.  

Dans des diatribes racistes, il avait parlé de "hordes de migrants clandestins" dont la présence en Tunisie serait source de "violences, de crimes et d’actes inacceptables". 

Pendant l’été, des milliers de migrants ont été expulsés vers le désert près de la Libye, plus d’une centaine d’entre eux ont trouvé la mort.   

Et l’élection présidentielle de l’année prochaine risque d’exacerber le phénomène de haine, d’autant que la légitimité de Kais Saied, qui s‘est arrogé les pleins pouvoirs, est très contestée.

Pour la chercheuse Hager Ali, "nous avons vu ces dernières années en Europe que vilipender les migrants, en particulier ceux originaires d'Afrique subsaharienne, est malheureusement une bonne stratégie de campagne. Les migrants seront donc potentiellement un bouc émissaire, non seulement pour les rendre responsables de l'état du pays, mais aussi pour détourner la frustration des électeurs vers quelque chose qui est plus éloigné de la politique, là où Kais Saied peut mobiliser les électeurs."

La coque d'un bateau utilisé apparement par des passeurs
L'OMCT note que la Tunisie est sous "la pression continue de l'Europe pour réduire la migration irrégulière en Méditerranée".null Mabrouka Khedir/InfoMigrants

Quasiment un jeune sur deux est au chômage

La Tunisie a une inflation de plus de 8% et un taux de chômage de près de 40% chez les 15-24 ans. Le tout a été exacerbé par la sécheresse alors que le secteur agricole fournit des emplois à de nombreux migrants qui économisent en vue de leur voyage vers l'Europe.  

"Même l'achat de nourriture est devenu difficile, parfois je ne peux même plus me permettre d'acheter des boulettes de blé", confie par exemple Mohammed, originaire du Bénin, qui attend lui aussi de pouvoir embarquer pour rejoindre l’Italie, à la DW.  

En juin, la Commission européenne a proposé à la Tunisie un programme de partenariat visant à freiner l'immigration vers l'Europe en triplant les aides financières pour la lutte contre la migration clandestine.   

Pour l’heure, il ne s’agit que d’un mémorandum d’entente qui n’est pas contraignant. Kais Saied a déjà réaffirmé que son pays ne deviendrait pas une porte d'entrée pour les migrants.   

Toutefois, d’après Ramadan Ben Omar, du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, les départs ont diminué depuis octobre, et pas seulement en raison des conditions de mer plus difficiles en automne et en hiver.   

Il explique que "les autorités tunisiennes ont renforcé les contrôles aux frontières et lancé des opérations contre les passeurs et les ateliers de fabrication de bateaux."

Burkina : "Le risque est réel mais on continue à s'exprimer"

Depuis le dernier coup d’Etat, en septembre 2022, du capitaine Ibrahim Traoré, les atteintes aux libertés publiques se multiplient au Burkina Faso. Mais, Souleymane Ouédraogo du mouvement "Balai citoyen"continue de prendre position pour la démocratie. 

"Le risque est réel mais, malgré tout, on continue à nous exprimer, comme il est possible de le faire..."

Un militaire avec casque sur la tête se tenant au côté de manifestants
Il y a une forte intimidation de toutes voix critique de la politique sécuritaire menée par la junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traorénull Anne Mimault/REUTERS

Vigilance

Il fait partie des rares militants encore actifs au Burkina Faso. Il dit ne pas défier les autorités militaires au pouvoir, mais lutter pour la liberté d'expression au Burkina.

"Malheureusement, beaucoup de personnes se sont retrouvées enlevées, réquisitionnées abusivement, envoyées au front, enrôlées parce que leurs voix étaient trop critiques. Dans mon cas et dans le cas des autres avec qui on se concerte régulièrement, on observe et on est beaucoup vigilant", rappelle Souleymane Ouédraogo.

Une vigilance guidée par la peur qui, dans certains cas, se traduit par une autocensure.

"J'ai des craintes bien sûr, parce que nous vivons dans un climat lourd. Malheureusement, il y en a beaucoup qui ne peuvent plus exercer cette activité de manière sûre et sereine. Il y en a beaucoup, et c'est cela qui est regrettable..."

Le capitaine Ibrahim Traore en tenue militaire assis sur une chaise entouré de deux gardes du corps
Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a signé en avril un décret de "mobilisation générale" d'une durée d'un annull AA/picture alliance

L'inquiétude de la famille

Face à cela, il y a aussi la peur des proches, des parents de la famille.

"Au sein de ma famille, à maintes reprises, régulièrement on me dit : arrête ! arrête ! Parce que tu prends des risques, tes activités professionnelles en pâtissent. Tu ne gagnes rien, tu exposes la famille", explique Souleymane Ouédraogo.

Ces dernières semaines, des acteurs de la société civile ont été réquisitionnés de force au sein des VDP, les Volontaires pour la défense de la patrie, officiellement chargés de lutter contre le terrorisme. Une réquisition militaire qui a été jugée récemment illégale par un tribunal de Ouagadougou.

Les mercenaires de Wagner "torturent" les chauffeurs en République centrafricaine

En Centrafrique, la base des mercenaires du groupe Wagner à Kaga Bandoro a été la cible d'une attaque par drone, hier [10.12.23], qui a fait deux morts et plusieurs blessés parmi les mercenaires. L'attaque n'est pas revendiquée et le gouvernement a ouvert une enquête sur ce qu'il qualifie d'acte prémédité. 

La situation des droits humains en Centrafrique demeure problématique. Cette année, les organisations de défense des droits de l'Homme s'alarment notamment des enquêtes qui demeurent sans suite.

La Ligue centrafricaine des droits de l'Homme dénonce quant à elle les violences des mercenaires du groupe Wagner et un traitement inhumain des chauffeurs centrafricains qui travaillent pour les Russes. C'est ce qu'explique son président, Joseph Bindoumi.

Interview avec Joseph Bindoumi, président de la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme

Ecoutez ci-contre l'interview avec Joseph Bindoumi

Joseph Bindoumi : Nous avons été saisis par les parents des chauffeurs de citerne qui conduisaient le carburant de la société Wagner à Ndassima dans des conditions inhumaines, gardés dans des containers, et qui ont été suffisamment torturés.

Nous avons réagi et nous avons, au cours de notre réaction, appelé le ministre de la Défense et le ministre de la Sécurité à nous prêter la main pour que le pouvoir public Centrafricain intervienne auprès de Wagner pour nous ramener vivants nos compatriotes. Effectivement, nos compatriotes ont été ramenés vivant.

Ils sont, au moment où je vous parle, à l'Office central de répression du banditisme, les juges centrafricains et les services de la justice centrafricaine étant saisis, nous voulons que cette procédure soit conduite jusqu'au bout.

 Nous avons appris que, effectivement, ces hommes avaient été suffisamment torturés, alors nous pensons que la justice centrafricaine doit vérifier au niveau de leur santé pour qu’il n'y ait pas de conséquences graves sur eux.

Mais ce que nous demandons aussi au gouvernement de la République centrafricaine, c'est de faire en sorte que ces gens [du groupe Wagner] n'interviennent pas souvent. Les gens qui sont venus pour nous aider à sortir d'une crise ne devraient pas être à l'origine d'autres crises à l'égard des centrafricains.

Faustin Archange Touadéra en interview sur la DW


DW : Vous avez parlé aussi de la précarité du travail de ces employés qui n'ont pas de salaire.

Joseph Bindoumi : La ligue centrafricaine des droits de l'Homme a poursuivi ses investigations lorsque nous avons été saisis pour nous rendre compte que ces chauffeurs qui transportent le carburant de la société Wagner de Bangui à Ndassima ne sont pas salariés en tant que tel.

Ils font pratiquement un travail qui ressemble à l'esclavage : on vous prend pour conduire un véhicule citerne, vous n'avez pas le droit de vous arrêter, vous n'avez pas le droit de manger.

C'est eux [le groupe Wagner] qui décident de l'endroit où le véhicule doit s'arrêter et lorsque vous arrivez à destination, on vous fait déposer le carburant, mais on vous fait repartir le même jour.

On vous fait partir le même jour pour que vous arriviez à Bangui où vous puissiez encore chercher du carburant pour repartir encore là-bas. Et le salaire n'est pas un salaire en tant que tel à la fin de mois, c'est un salaire qu'on donne comme ça au journalier, mais qui ne correspond pas à la souffrance de la personne.

Des exploitants et les bailleurs d’une mine de bauxite épinglés en Guinée

Ce rapport de 64 pages révèle que l'exploitation de la bauxite par la Compagnie des bauxites de Guinée porte préjudice aux habitants de vingt villages situés aux alentours de Sangaredi.

‘'Les sources d'eau sont détruites, les rivières polluées par les boues de bauxite. Et comme l'entreprise extrait la bauxite du sol à l'aide d'explosifs, elle produit beaucoup de poussière que les personnes et les animaux respirent. Les personnes concernées n'ont plus assez d'eau et de nourriture à cause de cette action irréfléchie de l'entreprise CBG.'', a regreté Gertrud Falk, conseillère à l'ONG Fian International, l'une des rédactrices du rapport.

Dans leurs témoignages, les habitants expliquent avoir été expropriés des terres qu'ils cultivaient, sans information et sans indemnisations suffisantes.

Selon Fian International, la Compagnie des bauxites de Guinée, la CBG, qui exploite la mine de Sangaredi, bénéficie d'un financement de plusieurs millions de dollars du gouvernement allemand, afin d'assurer l'approvisionnement de l'aluminium à son industrie.

Depuis 2016, la CBG renforce l'exploitation de la bauxite à proximité de la ville de Sangaredi, au nord-ouest de la Guinée, grâce au financement de bailleurs internationaux
Depuis 2016, la CBG renforce l'exploitation de la bauxite à proximité de la ville de Sangaredi, au nord-ouest de la Guinée, grâce au financement de bailleurs internationauxnull DW/Bob Barry

Les bailleurs doivent agir

Gertrud Falk souhaite que les bailleurs soient aussi tenus responsables des dommages environnementaux et des violations des droits humains commis par les bénéficiaires de ce projet, soutenu également par la Banque mondiale.

‘'Les bailleurs de fonds internationaux devraient imposer des conditions strictes à l'entreprise pour forcer CBG à respecter les droits de l'Homme et contrôler la mise en œuvre de ces mesures et, le cas échéant, appliquer des sanctions.‘'

Pour sa part, Malick Bah, l'un des leaders communautaires de la ville de Sangaredi, affirme à la DW qu'après plusieurs plaintes, ils attendent que tous les financiers du projet de bauxite s'impliquent pour faire respecter leurs droits.

Plaintes classées sans suite ?

En 2019, treize villages de la région minière de Boké ont déposé une plainte auprès de la Banque mondiale pour dénoncer les conséquences de l'exploitation de la bauxite.

Les plaignants avaient estimé que l'entreprise CBG ne respectait pas les lois guinéennes et internationales. L'objectif de cette démarche pour les habitants était alors d'obtenir des réparations et des compensations.

Mais cinq ans après, aucune mesure n'a été prise pour améliorer la situation des personnes concernées, affirme l'ONG allemande Fian International.